Face à l’urgence climatique, le secteur agricole est forcé de se réinventer tout en veillant à remplir sa mission primaire : nourrir. Aujourd’hui, plusieurs innovations et pratiques sont imaginées – voire déjà déployées – pour garantir notre souveraineté et notre résilience alimentaire dans un monde en crise. Voici les nouvelles tendances technologiques qui vont façonner l’agriculture de demain.
- Le big data, utilisation optimale des données agricoles
- La cartographie au service de l’agriculture de précision
- La robotique, de l’automatisation aux innovations de machines
- Les modes de production alternatifs dans l’agriculture
- Répondre au changement de demande du consommateur
- Une marche vers la 3e révolution agricole
L’agriculture est confrontée à un problème logique : il sera complexe de continuer à nourrir des bouches toujours plus nombreuses sur une Terre aux surfaces cultivables de plus en plus rares. À cela s’ajoutent des aléas climatiques et perturbations dues au réchauffement planétaire qui fragilisent nos modèles d’approvisionnement alimentaire. On vous propose de découvrir 5 domaines dans lesquels la technologie peut contribuer à changer la donne.
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Le big data, utilisation optimale des données agricoles
Contrairement à ce qu’on pourrait croire, cela fait une décennie que le monde agricole est en pleine transformation digitale. L’exploitation et l’analyse de données agricoles sont devenues monnaie courante pour améliorer la prise de décision. Le big data dans le monde agricole ne cesse de devenir toujours plus précis pour opérer un suivi en temps réel des cultures, les ressources, du climat mais aussi de l’état des plantes et des animaux.
Le Big data, ou mégadonnées en français, englobe toutes les données d’un secteur et leur traitement. Il a été défini selon le principe des « trois V » : un Volume de données massif, une grande Variété de ces données et une Vélocité – le fait que ces données soient récoltées et analysées en temps réel.
Dans cette recherche de « Big Data Agricole », les agriculteurs déploient de plus en plus de capteurs et dotent leurs exploitations d’outils d’analyse. Tout l’enjeu réside ensuite dans le fait de « faire parler » ces données à travers des modèles et logiciels d’analyses -voir d’intelligence artificielle – afin de déterminer les meilleures décisions à prendre.
Quels types de nutriments utiliser ? Quelles quantités de produits phytosanitaires optimales ? Quelles zones à traiter en priorité ? À terme, l’objectif est de créer un langage commun entre tous ces outils pour mieux automatiser le système de production agricole en fonction des préconisations obtenues par l’analyse de données.
« L’enjeu actuel du Big Data est le développement de la puissance de calcul. Grâce à elle, le traitement des données pourra être instantané et précis, réduisant de plus de moitié l’utilisation d’intrants. »
La station météo connectée pour mieux s’adapter aux aléas
Parmi les innovations ayant recours au Big Data, on retrouve les stations météo connectées. Par l’intermédiaire de différents capteurs placés dans les champs (capteur de gel, d’humidité, de pluie…), il est possible de mesurer en temps réel des données fiables et précises des sols et de l’air. Ces données sont ensuite analysées par des intelligences artificielles qui peuvent établir des modèles prédictifs sur le climat et donc aider les agriculteurs à se préparer et mieux s’adapter.
On peut citer par exemple Weenat, solution agro-météo qui possède tout un écosystème de données en temps réel sur l’environnement des cultures (gel, quantité d’eau, météo…) pour anticiper les aléas climatiques. Des outils d’aides à la décision (OAD) sont aussi prévus pour que le cultivateur intervienne plus rapidement et plus efficacement.
« Suivre l’état hydrique des sols, grâce aux capteurs et aux outils d’OAD, permet d’économiser jusqu’à 20 % d’eau lors de l’irrigation ».
Émeline Flores, cheffe de projet chez Weenat
La cartographie au service de l’agriculture de précision
Autre enjeu majeur de l’agriculture, l’importance de cartographier les cultures. Cette technologie se sert d’images réelles d’une culture pour avoir une visibilité précise de ses besoins et permettre des actions plus ciblées. Elle se développe par différents procédés au service de « l’agriculture de précision ».
La cartographie satellitaire pour une meilleure productivité
Le premier moyen de cartographier les cultures est l’utilisation de satellites. Les images récupérées donnent des indications précises sur les besoins d’un champ. Elles permettent notamment d’identifier les besoins en engrais ou autres intrants dans des zones de culture.
Un des enjeux actuels dans la cartographie est de pouvoir synchroniser en direct les images, les logiciels d’analyse et les équipements agricoles. C’est justement le but du protocole « Isobus », qui délivre un standard commun permettant de faire communiquer entre eux les tracteurs, les logiciels d’exploitation et tous les équipements des offreurs de technologie à destination de l’agriculture.
Les drones, détection ciblée de l’état des cultures
En complément des satellites, l’agriculteur peut aussi recourir aux drones. Même si cette technologie peine à faire ses preuves – notamment depuis le dépôt de bilan de Airinov en 2019, spécialiste du domaine -, on retrouve plusieurs acteurs majeurs tels que Delair ou Abelio.
L’utilisation des drones possède différents intérêts. En plus de survoler les champs et détecter visuellement l’état de santé des cultures, ils permettent, couplés à des capteurs, de connaitre précisément les besoins de chaque plante — une technologie qui souffre néanmoins de la comparaison avec des capteurs directement intégrés dans les machines agricoles.
De plus, les drones pourraient être capables d’agir directement sur les cultures, de manière entièrement autonome. C’est en tout cas l’enjeu des expérimentations de drones d’épandage (encore interdit en France et en Europe) qui pulvérisent automatiquement les champs avec la quantité exacte nécessaire sur une zone donnée. Dans cette optique, on pense par exemple au drone « Agras T30 » de DJI, véritable monstre au service de l’agriculture.
La robotique, de l’automatisation aux innovations de machines
Au cœur de l’agriculture de demain, comment ne pas évoquer la robotique ? Tracteurs autonomes et machines agricoles intelligentes sont de plus en plus nombreux sur le marché.
En France, la réglementation concernant les robots agricoles autonomes est stricte. En effet, elle interdit à un engin agricole autonome de travailler seul dans une parcelle à plus de 2 km/h ou bien de se déplacer sur la route. Même si cette limitation tend à évoluer, pour lever les freins à l’innovation en matière de robotique, les tracteurs autonomes en France en sont encore à leur début. À l’inverse des États-Unis, où existent déjà des engins entièrement autonomes comme le tracteur John Deere, récemment présenté au CES 2023.
Des tracteurs autonomes… mais pas que
On peut quand même noter la présence en Europe d’entreprises développant des robots agricoles autonomes. Ecorobotix en Suisse ou encore Naïo, représentant toulousain des robots autonomes depuis 2011, se sont donné comme objectif de pallier le manque de main-d’œuvre dans le secteur agricole et augmenter son efficacité. Avec leurs robots, il est possible de réaliser de nombreuses tâches comme désherber, tracer des sillons, semer… Même s’ils se limitent encore aux domaines maraichers, en serre ou aux vignobles, ces robots tendent à s’adresser à de plus grosses cultures à l’avenir.
Face à la réglementation stricte qui empêche le développement des robots autonomes, le gouvernement français réfléchit à un assouplissement des mesures avec des expérimentations réalisées actuellement en ce sens.
En matière de robotique, d’autres innovations existent également en matière de perfectionnement des machines agricoles. On pense par exemple à l’intelligence artificielle de Case IH, qui permet de synchroniser une moissonneuse-batteuse avec le tracteur qui le suit. Citons aussi NeXaT, un porte-outils modulable vainqueur de l’Agritechnica 2022…
Aujourd’hui généralisé sur la plupart des machines agricoles, le guidage satellite des tracteurs par GPS permet de limiter les erreurs et de faire des économies de temps et de traitement.
Les modes de production alternatifs dans l’agriculture
Si les innovations technologiques font partie des enjeux majeurs de l’agriculture, la recherche de nouveaux modes de production est également au cœur des préoccupations. Alors que les concepts d’agriculture biologique ou d’agriculture raisonnée sont maintenant bien connus, d’autres types de productions émergent.
L’agriculture verticale
Face à l’augmentation de la population mondiale, la gestion de l’espace en agriculture est un point majeur à prendre en compte. Comment produire plus avec moins de place ? C’est tout l’enjeu de l’agriculture verticale, mode de production qui vise à créer des espaces cultivables en hauteur. L’entreprise Jungle en est le parfait exemple et a ouvert la plus grande ferme verticale de France, à 100 km de Paris.
La force de cette exploitation est de maitriser la lumière (non naturelle), la température, les nutriments… Par exemple, Jungle utilise l’hydroponie. Ce mode de production innovant se passe de terre, remplacée par un substrat irrigué avec la dose parfaite de nutriments. Ainsi, exit le désherbage ou les différents traitements, les cultures possèdent tout ce qu’il faut pour pousser dans les meilleures conditions possibles.
L’agrivoltaisme
Autre méthode de production innovante, « l’agrivoltaïsme ». Elle consiste en l’installation de panneaux photovoltaïque au-dessus des cultures pour à la fois les protéger des aléas météorologiques et produire de l’énergie solaire. Depuis 2022, un Label « Projet Agrivoltaïque » a été mis en place par l’Afnor pour mettre en lumière ce genre de projets vertueux pour l’exploitation agricole. Aujourd’hui, le leader français du secteur est Sun’Agri, dont la création date de 2019.
Concrètement, cette technologie contrôle l’impact de la température sur les cultures en fonction des besoins. Les panneaux solaires installés au-dessus d’une parcelle modifient leur inclinaison pour protéger plus ou moins les plantes du soleil mais peuvent aussi servir de bouclier contre le froid ou le gel en hiver.
La « lutte intégrée » et naturelle contre les nuisibles
Au-delà des innovations technologiques, l’évolution de l’agriculture passe également par la recherche de solutions low tech, permettant de produire plus avec moins. Ainsi, un autre enjeu dans les modes de production consiste à remplacer l’utilisation d’intrants (produits appliqués aux terres et aux cultures pour améliorer leur rendement) par des solutions naturelles. Ces méthodes, appelées « lutte intégrée », concernent différentes actions comme la rotation des cultures, le choix d’implanter des auxiliaires de cultures (organismes vivants capables de remplacer les produits nocifs) ou encore la technique dite « pull-push ».
Cette dernière permet de « chasser » les insectes ravageurs des plantations agricoles pour ensuite les « attirer » dans un piège, et ce, de manière totalement naturelle. Par exemple, dans certaines cultures de maïs du Mali, une plante dégage des substances qui repoussent les insectes perce-tiges, ravageurs de maïs. Ces derniers sont ensuite attirés vers une autre plante, dite « piège », située en lisière de champs qui les éloignent de la culture à protéger.
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Répondre au changement de demande du consommateur
Dernière tendance qui s’est déjà fortement implantée ces 10 dernières années : la transformation de la demande du consommateur. Circuit court, nouveaux canaux de distribution, transparence… le monde agricole a dû évoluer face à ces mutations.
La traçabilité et la transparence en chef de file
Ce changement se remarque notamment avec le nombre grandissant de certifications, labels et autres protections du savoir-faire français, cher aux professionnels du secteur. Même si beaucoup de sigles « marques distributeurs » restent un argument marketing, d’autres comme le label HVE (haute valeur environnement) ou le label FNAB (Fédération Nationale d’Agriculture Biologique) permettent d’identifier les produits issus d’une agriculture respectueuse de l’environnement.
D’autres tendances dans la traçabilité des produits et la transparence des méthodes de production sont en expansion, notamment à travers un environnement numérique toujours plus important. Par exemple, l’entreprise Connecting Food cherche à créer une base de données sur la blockchain comprenant toutes les informations de traçage d’un produit (de la récolte à sa distribution). Pour le consommateur, un simple QRcode sur un produit permettrait d’obtenir l’ensemble de ces informations.
L’avènement du circuit court
Face à un changement dans le mode de consommer, le domaine de l’agroalimentaire se mue également dans ses canaux de distribution. Vous avez surement déjà vu en campagne des distributeurs automatiques de pain, lait ou pommes de terre situés dans de gros conteneurs. Alimentés régulièrement par les agriculteurs du coin, c’est un moyen de distribution en circuit court à part entière qui se développe. De même, on retrouve dans les grandes villes un nombre grandissant de groupements de producteurs locaux par l’intermédiaire des « supermarchés responsables ».
Une marche vers la 3e révolution agricole
Toutes ces tendances permettent de façonner la vision sur l’agriculture de demain. Pour qu’elles puissent voir le jour, différents acteurs les soutiennent. L’État, par exemple, a mis en place en 2021 un programme « French Tech Agri20 » pour aider les start-up dans l’agriculture en débloquant 2 milliards d’euros jusqu’à 2030. Il s’articule autour de plusieurs axes pour mener vers la « 3e révolution agricole« , capable de répondre au “double défi de la nutrition et du carbone”.
Au-delà de l’État, d’autres acteurs permettent de développer l’innovation dans le secteur agricole. On pense aux associations qui regroupent et aident des entreprises agricoles innovantes. La plus connue d’entre elle, La Ferme Digitale, a pour objectif de « promouvoir l’innovation et le numérique pour une agriculture performante, durable et citoyenne ». Autre exemple : l’association RobAgri qui représente la filière robotique agricole.
Des plateformes digitales permettent aussi au secteur agricole de se développer. L’exemple le plus parlant est Agriconomie. Créée en 2014, c’est une plateforme d’achats spécialisés, à destination des professionnels du secteur agricole. Le Amazon des agriculteurs !
En résumé, le monde agricole fait face à de nombreux défis et la technologie est un moyen de l’aider à trouver un modèle à la fois plus vertueux et productif. Ce qui pouvait sembler antinomique il y a plusieurs dizaines d’années est devenu une nécessité aujourd’hui. Les agriculteurs agissent et innovent pour répondre à cette double problématique, témoignant bien de cette marche vers la 3e révolution agricole.
Attention à l’utilisation de machines lourdes (voir vos photos) qui compactent les sols.
Les machines et l’usage du numérique systématise les erreurs d’appréciation de la part de technocrates qui sont loin des conséquences à moyen et long terme de leurs décisions novatrices. Même si a court terme, ils obtiennent des rendements, c’est souvent en sacrifiant l’avenir, en laissant une dette sur les sols pour les générations futures.
Ces dettes génèrent des guerres dans un contexte de fin du pétrole.
Pour synthétiser: ne mélangez pas usage des technologies et systématisation industrielles. Rapprochez-vous du génie individuel qui utilisera ses drones et ses robots pour résister aux dictatures qui centralisent les décisions de façon productive.
Regardez-bien la photo avec le lapin qui fuis sous la serre agricovoltaïque: l’utilisation des pesticides et des intrants d’engrais chimiques tuent la bio-diversité ce qui coûtera à terme plus d’argent pour rendre aux sols leurs équilibre.
Ceci doit être compris avant que la mécanisation et les automatismes ne finissent le travail commencé après la deuxièmes guerre mondiale, lorsque les tank on été transformés en tracteurs.