Une étude montre que l’innovation technologique a créé plus d’emploi qu’elle n’en a détruit, au global. En est-il de même pour l’internet des objets connectés ? Voici quelques éléments de réflexion.
Les machines, ordinateurs ou robots, envahissent depuis le début du siècle dernier nos entreprises et nos chaines de production. Promettant l’automatisation et le perfectionnement de certaines tâches professionnelles, ils sont capables capables d’une certaine diversité de fonctions, comme peindre, souder, mesurer…
L’éternelle question se pose : les robots nous piquent-ils nos emplois ? Un étude menée par le cabinet de conseil Deloitte et basée sur les données de l’emploi des 140 dernières années en Angleterre et au Pays de Galles répond par la négative à cette question. Explications.
Destruction des emplois à tâches répétitives
L’étude affirme d’abord que, dans certains secteurs, il est indéniable que la technologie a détruit des emplois :
“La tendance dominante est une contraction des emplois dans le secteur de l’agriculture et de la production.«
Sur les chaines de production, les automates ont pris la place des hommes dans le cadre des tâches répétitives, les plus simple à automatiser. Dans l’agriculture également, un déclin de 95% des emplois peut être constaté entre 1871 et aujourd’hui : l’efficacité des machines a progressivement remplacé les hommes sur les tâches répétitives pouvant être automatisées.
Les auteurs de l’étude, Ian Stewart, Debapratim De et Alex Colen se sont demandés si les emplois détruits étaient des emplois que l’Homme désirait garder, ou s’il n’était pas mieux de les délaisser aux robots.
Dans les secteurs où la technologie affecte l’emploi, l’innovation technologique ne substitue pas à l’homme, mais à ses muscles. Selon les auteurs, la technologie s’attaquerait donc à des emplois qualifiés difficiles, faisant appel aux muscles de l’homme plus qu’à son esprit de réflexion … et ce n’est pas une mauvaise chose de les remplacer par d’autres emplois.
Compensation par des emplois « intellectuels »
L’étude se poursuit en affirmant que la destruction des emplois à tâches répétitives est à comparer avec la création d’emplois de services technologiques ou de services à la personne. Pour créer des robots et automates, il faut des emplois pour les imaginer, pour les concevoir, pour les vendre, pour les faire marcher et pour les entretenir.
La technologie a, selon l’étude, créé des emplois dans les secteurs basés sur la connaissance, comme la médecine, l’éducation, ou bien les services professionnels : l’accès plus facile à l’information et l’amélioration des moyens de communication a permis de révolutionner ces secteurs basés sur la connaissance.
La destruction d’emploi a été « plus que compensée par une rapide augmentation du nombre d’emplois dans les secteurs des services, des soins, de la création ou encore des affaires «
L’étude met en avant une augmentation de 909% du nombre d’infirmiers et dans les deux dernières décennies. De même, on peut constater sur la même période une augmentation de 580% du nombre d’enseignants ou encore de 168% du nombre d’emplois dans le domaine du bien-être et des services en habitations (à pondérer par le phénomène de vieillissement de la population et l’enrichissement de celle-ci dans les pays concernés à mon avis…).
Limites de l’étude et questions
L’étude est, comme toujours, à mettre en perspective. Elle ne concerne que deux pays, avec leurs spécificités. Elle analyse l’évolution du nombre d’emplois en évaluant l’impact de la technologie. Mais comment être sûr qu’il n’y a pas de paramètres externes qui entrent en compte : le vieillissement de la population ne participerait-il pas plus que la technologie dans l’augmentation du nombre d’infirmiers/aide-soignants ?
Deuxième point, la métrique choisie dans l’étude du nombre d’emplois créés ou détruits par la technologie est-elle la bonne pour mesurer l’impact positif ou négatif sur la société humaine ? En effet, la technologie modifie certes le nombre d’emplois, mais elle change surtout la manière de travailler.
La technologie détruit les emplois nécessitant souvent le moins de qualification et d’études pour créer des emplois destinés aux personnes très qualifiées dans un domaine précis. Peut-on dire que la technologie créée des emplois plus « sains » pour l’Homme ? Peut-on affirmer au contraire que la technologie créée des inégalité entre les qualifiés et les non-qualifiés ? Il faudrait prendre en compte ces métriques pour évaluer les bienfaits de la technologie sur la société.
De plus, même si l’étude conclut que la technologie a apporté de l’emploi au siècle dernier, comment être sûr que cela fait de la technologie un créateur d’emploi pour les années à venir ? Peut-être que les décennies à venir marquent l’arriver du robot qui contrôle les robots, et donc commencer à prendre des postes de moins en moins manuels et répétitifs…
Et pour les objets connectés ?
La question se posait : quel va être l’impact de l’arrivée de l’internet des objets et des objets connectés sur nos emplois. Aucune étude quantitative ne peut encore être divulguée tant le phénomène est nouveau et surtout non mature. Tentons ensemble d’évaluer l’impact qualitatif de l’internet des objets sur nos emplois, et comparons-le à celui qu’a eu la technologie ces dernières décennies.
Des emplois vont être créés, et c’est évident, dans le secteur même de l’internet des objets : il faut des têtes pensantes pour imaginer les objets connectés, les fabriquer (bien que nos objets connectés sont souvent fabriqués essentiellement par des robots, il faut des managers pour gérer les robots automates), les vendre et en assurer le service après-vente.
Qu’en est-il pour les autres secteurs, qui ne sont pas liés aux objets connectés ? Les objets connectés promettent aux entreprises de pouvoir tout mesurer dans leurs chaines de production pour améliorer la maintenance (maintenance prédictive) et prendre des décisions stratégiques et managériales basées sur la données plus que sur le ressenti. Il faut donc des hommes pour traiter et analyser les données (savoir quelles données utiliser, comment les interpréter…) : le métier de Data Scientist est aujourd’hui l’un des postes les plus recherchés par les entreprises.
Les objets connectés promettent également aux entreprises de pouvoir communiquer plus aisément avec leurs clients (en connectant leurs produits, elles peuvent ainsi interagir directement avec leurs clients). Par conséquent, les objets connectés changent de nombreux business models : de la vente d’un produit à la vente d’un service. La création de services qui apportent de la valeur aux clients dans la durée nécessite des ressources humaines et peut donc être initiateur de création d’emplois. Les données récoltées quant à l’utilisation des produits connectés va permettre au marketing de prendre des décisions sur la stratégie marketing à venir. Des Data Scientists vont donc bientôt rejoindre le marketing, source de création d’emplois.
La révolution de l’intelligence artificielle devrait, selon certains experts, suivre celle de l’internet des objets. Avec l’intelligence artificielle, les robots automates seront capables de prendre eux-mêmes certaines décisions.
Des marchés entiers peuvent être bouleversés : aura-t-on besoin de chauffeurs de taxi lorsque les voitures conduiront toutes seules ? Aura-t-on besoin de managers dans les chaines de productions lorsque des robots seront capables de prendre des décisions pour entretenir les robots qui s’occupent de la production ?
Via /
Crédits : Blutgruppe – Corbis & England – Wales Census records
Si l’étude est juste, alors ce que nous n’avons toujours pas terminé notre révolution industrielle. Le but des gains de productivité et de l’automatisation est bien sûr de détruire l’emploi dont personne ne veut pour permettre à l’humanité d’être libérée de ce fardeau.
Par contre l’étude n’aurait-elle pas un peu oublié de compter le volume d’heures travaillées plutôt que les emplois ? A ce compte on pourrait toujours avoir le même nombre d’emplois même si on divise par 2 le travail effectif. Ça ne devrait d’ailleurs plus trop tarder : //www.gizmag.com/half-of-us-jobs-computerized/29142/
A voir donc ensuite si on veut continuer à faire semblant de travailler ou si on ouvre la voie à une ère post-industrielle.