Les 27 et 28 septembre 2022 se déroulait le CAETS (Conseil international des Académies d’ingénierie et des sciences technologiques). Organisé par l’Académie des technologies française, l’événement a eu lieu à Paris, et les membres de meilleure-innovation.com étaient sur le coup ! Parmi les nombreux sujets présentés, nous nous sommes plus particulièrement intéressés aux technologies de réparation du corps humain.
3 intervenants (par ordre de passage, Zhong Chao Han, Stéphanie Lacour et Serge Picaud) nous ont gratifié des dernières avancées sur trois domaines de recherche d’innovations médicales. En dormance parfois depuis plus d’une décennie, certaines vont peut-être en partie solutionner des maladies et autres problèmes de santé jusqu’ici considérées comme incurables. Voici ce que nous en avons retenu…
H&B Group et le progrès des Cellules Souches
par M.Zhong Chao Han, diplômé de l'Université Médicale de Jiangxi
On appelle “cellules souches” des cellules basiques pouvant évoluer en n’importe quel type de cellule sanguine (globule rouge, globule blanc, plaquettes). C’est un peu la cellule “joker”. Et plus particulièrement les cellules souches/stromales mésenchymateuses, pouvant agir sur la régénération de tissus, notamment par remplacement cellulaire et amélioration des réponses immunitaires.
L’utilisation des cellules souches mésenchymateuses est appelée “thérapie cellulaire” ou CSM, laquelle permet de remonter à la source d’un certain nombre de maladies réfractaires. Parmi les maladies particulièrement difficiles à traiter mais réceptives aux manipulations des cellules souches, on trouve :
- le diabète
- la sclérose en plaque
- la sclérodermie
- la leucémie
- l’anémie aplastique
- la neuromyélite optique
- la Covid-19
- la maladie de Crohn
- les insuffisances hépatiques chroniques
- la cicatrisation des plaies
Autant dire que les cellules souches mésenchymateuses ont suscité l’enthousiasme de nombreux chercheurs.
Toutefois, le processus de recherches laborantines pour sortir des produits viables n’en est pas moins long et fastidieux. En effet, la plus grande banque de cellules souches au monde, la Tianjin, date de 2002 !
Fabrication et mise en banque de cellules souches périnatales
L’ambition actuelle de la partie R&D de H&B Group est de s’orienter principalement sur les cellules souches (ou immunitaires) périnatales, c’est-à-dire naturelles et issues de tissus périnataux comme le placenta, le cordon ombilical ou encore le liquide amniotique.
Un idée lumineuse qui représente un grand nombre d’avantages, à savoir :
- la facilité à les collecter et à les fabriquer à grande échelle (“la poubelle magenta ? Oui c’est pour les cordons ombilicaux !”)
- aucun problème éthique (go recycler les placentas !) ;
- une forte capacité proliférative ;
- une faible immunogénicité (déclenche peu ou pas de réactions immunitaires indésirables) ;
- la possibilité d’en faire des solutions médicamenteuses (hydrogel ou injection de CSM et injection d’UC-MSCs par exemple)
En définitive, H&B annonce que le marché de la thérapie cellulaire est proche d’arriver à maturité.
Autre avancée curieuse à connaître : Tout savoir de Neuralink, un implant pour le cerveau aidant à soigner des patients souffrants de maladies neurodégénérative
La collaboration entre l’industrie pharmaceutique et la recherche universitaire est en passe d’aboutir à des applications cliniques concrètes. On notera que les essais les plus avancés en cours concernent :
- la pneumonie ARDS ;
- l’insuffisance hépatique aiguë ou chronique ;
- l’infarctus du myocarde ;
- l’ulcère du pied diabétique ;
- l’ischémie critique des membres ;
- les lésions de la moelle épinière
Quant à savoir si les résultats nous profiteront à nous et à nos enfants, c’est fort probable, mais ne vendons pas le placenta de l’ours avant d’en avoir retiré les cellules souches…
La Médecine neuro-prothétique pour recouvrer sa mobilité
par Mme Stéphanie Lacour, professeure à l'École Polytechnique Fédérale de Lausanne
Les neuroprothèses sont des prothèses reliées au système nerveux. Cette innovation médicale tout à fait étonnante illustre très bien le phénomène de convergence technologique. En effet, elle fait appel à 3 branches de la recherche de pointe : les neurosciences, l’ingénierie et l’intelligence artificielle. Cette interdisciplinarité aboutit à des accessoires dirigés directement par les signaux électriques du système nerveux du patient.
Une machine commandée par votre influx nerveux
Bien sûr, la difficulté de ces prothèses est de recevoir un stimulus électrique suffisamment puissant et de le décoder avec assez de précision pour transformer la pensée en mouvement. Il s’agit donc de savoir convertir les signaux chimiques envoyés par le cerveau en neurotransmetteurs pour activer les récepteurs de la prothèse.
En d’autres termes, le défi est d’intégrer un corps étranger dans notre mécanique musculaire et nerveuse.
Différents types de neuroprothèses pour la réparation du corps humain
Comme les cellules souches, cette technologie médicale peut être mise au service de plusieurs infirmités. On trouve ainsi déjà :
- l’implant cochléaire, pour le déficit d’audition ;
- l’implant visuel (rétines artificielles par exemple) ;
- la myoprothèse et les membres bioniques, assez connue, pour les personnes amputées de l’avant-bras ou des jambes (une prothèse de main peut permettre de saisir des objets par exemple) ;
- les neuroprothèses motrices non invasives, pour la rééducation de personnes ayant subi un AVC…
Restauration de la locomotion après une lésion de la moelle épinière
C’est la nouvelle application clinique des neuroprothèses : contrer la paralysie provoquée par une lésion de la moelle épinière. L’idée est donc d’opérer une modulation électrique de la partie distale de la moelle épinière afin d’en restaurer la fonction motrice. Il s’agit alors de fabriquer un modèle computationnel personnalisé, possible uniquement grâce à la microfabrication.
La microfabrication consiste à produire des dispositifs avec une précision de forme atteignant le micromètre (le millième d’un millimètre), voire encore plus petits. Ainsi, l’enjeu est l’implants d’électrodes souples pour la moelle épinière, avec une adaptation ultra-précise de leur disposition sur l’anatomie du patient.
Une minutie titanesque
Le développement des neuroprothèses requiert une longue phase de recherche préclinique. Mais le passage à une application médicale viable implique de nombreux tests. Les itérations ne sont pas rares, par exemple en cas de non validation biomimétique in vitro (des modèles synthétiques que l’on manipule dans une solution saline à 37 C° avant d’envisager des tests in vivo, sur un individu vertébré).
Ce programme de recherche au potentiel énorme a donc besoin d’un soutien à long terme pour devenir une réalité clinique accessible à toutes et à tous.
Thérapie optogénétique contre la perte de vue
par M. Serge Picaud, directeur de l'Institut de la Vision de Paris
S’il y a bien une infirmité redoutée par les êtres humains, c’est la perte de vue. Plus de 700 millions d’individus dans le monde souffrent de malvoyance et près de 40 millions sont carrément aveugles. Ces déficiences visuelles coûtent déjà plus de 500 milliards d’euros.
Or, une partie non-négligeable de patient souffre de rétinopathie pigmentaire, à savoir la dégénérescence progressive des cellules de la rétine réceptives à la lumière (photorécepteurs), ou d’une affectation des cellules ganglionnaires, lesquelles sont censées transmettre l’information au cerveau. Les maladies de la rétine existent sous plusieurs formes, selon le type de neurones touchés :
- DMLA (dégénérescence maculaire liée à l’âge) ;
- rétinopathie diabétique ;
- glaucome ;
- les maladies orphelines (dystrophies rétiniennes, USHER, LHON, Stargardt, etc.)
C’est là que la thérapie optogénétique intervient pour améliorer la vision des patients atteints de rétinopathie.
Thérapie optogénétique : un bond en avant après plus de 20 ans de recherches
En parallèle du développement d’implants rétiniens aux résultats mitigés car trop lourds pour des résultats encore fragiles, la thérapie optogénétique a enfin vu le jour. L’objectif de l’optogénétique est d’aller directement modifier les gènes de certaines cellules afin qu’elles se remettent à produire des protéines sensibles à la lumière.
Jusqu’il y a peu de temps encore, cette niche des neurosciences n’avait pas encore donné lieu à des bénéfices cliniques tangibles. Mais les efforts combinés des différentes techniques de transplantation cellulaire et de prothèses visuelles sont en train de prouver leur immense potentiel !
Thérapie optogénétique : retrouver la vision dans les algues ?
Pour retrouver des photorécepteurs, des patients atteints de cécité, on va utiliser une protéine d’algue. Cette algue a d’ailleurs deux particularités : elle est unicellulaire, et elle est capable de suivre la lumière. On dit qu’elle est photosensible. Tout l’enjeu est alors de parvenir à extraire son code génétique afin de pouvoir l’exprimer dans les cellules encore présentes dans la rétine.
Cela permet de recréer une sorte de photorécepteur. Mais ce n’est pas fini : le patient a encore besoin d’une grosse paire de lunettes spéciales, qui aident à mieux percevoir les contours des objets en lumière orange-rouge.
Des résultats déjà très prometteurs
En 2021, pour la première fois au monde, un patient (un Breton !) a recouvré une partie de la vue. Il est de nouveau capable de saisir des objets. Il peut également les compter voire évaluer leur distance par rapport à lui. Bien sûr, les personnes atteintes de cécité ont besoin de s’habituer à ce type de perceptions afin de réapprendre à interpréter les informations reçues à travers la rétine.
Mais le plus important, c’est que l’utilisation d’une protéine venant d’un organisme autre qu’humain pour combler un déficit organique n’avait jamais été envisageable jusqu’à aujourd’hui. Les champs d’application pour développer cette technique sont donc très vastes (cellules cardiaques, auditives, etc.).
D’autres pistes en phase d’exploration : la sonogénétique
Pour rester dans la perspective du rétablissement de l’acuité visuelle, les recherches ont débuté sur la sonogénétique appliquée à la vue. En effet, le fait de pouvoir exprimer un code génétique différent du nôtre (comme expliqué plus haut) va sans doute permettre d’utiliser des protéines réceptives, cette fois, non à la lumière, mais aux ultrasons.
Or, une meilleure sensibilité aux ultrasons permettrait de rendre moins invasifs les implants utilisant les ondes ultrasonores via des électrodes pour stimuler la vue, tout en augmentant la “résolution” émise sur la rétine du patient… De belles prouesses en perspective en somme, pour soigner la population d’aveugles qu’on estime avoir doublé d’ici 2050.
Cette technologie est très innovante