C’est un secteur en plein boom. Au départ réservés à un club très fermé d’initiés, les NFT voient leur valeur sans cesse être multipliée. La vente d’objets numériques a dépassé les 10,7 milliards de dollars en 2021. Une frénésie qui est loin de retomber et qui gagne même le marché de l’art.
Le 11 mars 2021, une œuvre de l’artiste numérique Mike Winkelmann, alias Beeple, a été mise aux enchères par la maison de vente londonienne Christie’s. Everydays : The First 5 000 days a été achetée pour un montant de 69,3 millions de dollars. Une vente historique qui propulse Beeple parmi les artistes vivants les plus chers au monde, derrière David Hockney et Jeff Koons. Un record vite dépassé quelques mois plus tard par l’artiste Pak avec son œuvre The Merge vendue 91,8 millions de dollars sur Nifty Gateway, une plateforme d’enchères en ligne. La fièvre collective provoquée par les NFTs est-elle due à un effet de mode ou marque-t-elle une transition artistique qui s’inscrit dans la durée ?
Un NFT, c’est quoi ?
NFT est l’acronyme de non-fungible token ou jeton non fongible en français. Un token, ou jeton, est une représentation d’objets et de relations. Ça peut être des relations de propriétés, d’identité, des droits d’accès ou encore des droits d’usage.
Vous ne le savez peut-être pas, mais vous utilisez déjà le principe des tokens dans votre quotidien avec votre carte d’identité, votre permis de conduire ou encore votre carte d’abonnement à la salle de sport. Mais il peut être compliqué de bien le comprendre, c’est pourquoi nous vous expliquons en détail ce que sont les tokens et les NFTs dans un article dédié.
Est-ce que le NFT est une cryptomonnaie?
Non, le NFT n’est pas une cryptomonnaie et il est important de faire la différence entre les deux. Prenons l’exemple d’une cryptomonnaie comme le Bitcoin. Le Bitcoin est un jeton qui représente une certaine information à laquelle est attribuée une certaine valeur. Tout comme un ticket de bus, le Bitcoin est fongible, ça veut dire qu’il est interchangeable avec un autre Bitcoin et gardera la même valeur. Les tokens non-fongibles, comme les NFTs, ne sont pas interchangeables, car ils sont liés à un actif numérique et ne peuvent pas être remplacés. Autrement dit, ils sont uniques et n’ont pas de valeur équivalente. De plus, ils sont soumis à la fluctuation du marché. En revanche, ils peuvent être donnés, échangés, ou vendus.
Comment les NFT ont révolutionné le monde de l’art
Tout commence en 2017 lorsque le collectif new-yorkais Larva Labs lance les CryptoPunks sur Ethereum (ces personnages pixelisés générés par un algorithme). Il en existe un nombre limité : 10 000. Chacun est unique et possède différents attributs (genre, couleur de cheveux, accessoires, etc.). Certains de ces attributs étant plus rares que d’autres, les CryptoPunks ont une valeur variable. Au départ ils étaient mis en circulation gratuitement (il suffisait simplement de posséder un portefeuille numérique sur Ethereum). Aujourd’hui, de par leur rareté numérique, il est impossible d’en trouver un à moins de 30 000 dollars ! Et c’est exactement ce sur quoi repose le NFT : la notion de rareté numérique.
Des ventes aux enchères explosives
Début mars 2021, lorsque la mosaïque des pièces numériques Everydays : The First 5 000 Days, de Beeple est mise aux enchères chez Christie’s sous forme de NFT, le marché de l’art n’avait encore aucune idée de combien pouvait valoir une oeuvre numérique. Artprice, une entreprise de cotation du marché de l’art sur Internet qui sert de référence dans la profession, ne s’était même pas penchée sur la question. Et pour cause, le marché de l’art numérique n’ayant aucune valeur, puisqu’on pouvait dupliquer à volonté une œuvre numérique, il était impossible d’avoir un ordre d’idée sur la cote d’une œuvre complètement numérique. La mise à prix a donc été fixée, un peu au hasard, à 100 dollars. Imaginez la surprise lorsque la vente s’est conclut à 42 329,453 ethers, l’équivalent de 58 millions d’euros.
L’œuvre de Winkelmann est devenue la quatrième plus chère jamais vendue par un artiste vivant. Un artiste inconnu au bataillon, qui n’avait jamais vendu auparavant, s’est hissé du jour au lendemain dans les plus hautes sphères de l’art contemporain, faisant voler en éclats toutes les références sur la valeur des œuvres numériques. Cette vente sur le marché a propulsé l’artiste bien sûr, mais aussi les NFT, qui ont aussitôt engendré une poussée de fièvre au sein du monde de l’art traditionnel et des maisons de ventes aux enchères. Une première depuis l’avènement du Pop Art.
Effet de mode ou transactions pérennes?
Ce serait mentir que de dire que les NFTs ne sont pas une mode. Mais pour autant, leur impact ne serait-il pas durable ? On peut affirmer sans conteste qu’ils opèrent une véritable révolution et ce dans plusieurs domaines :
- Premièrement, sur la notion d’authenticité. Avec les NFTs, il n’y a plus de doute : on peut facilement retracer une œuvre à l’instar des œuvres traditionnelles. Par exemple, le Salvator Mundi “le tableau le plus cher du monde” qui avait été acheté par le musée du Louvre d’Abu Dhabi pour 450 millions de dollars soulève encore bien des questions quant à sa paternité et il se pourrait qu’il ait été hâtivement attribué à Léonard de Vinci.
- Deuxièmement, en donnant la possibilité aux collectionneurs d’avoir un bien unique, les artistes numériques peuvent se permettre d’entrevoir le futur et de vivre de leur art ! Mieux encore, ils choisissent eux-mêmes les termes de leur contrat et peuvent toucher un pourcentage (souvent de l’ordre de 5 à 10 %) à chaque nouvelle transaction, ce qui n’est pas le cas dans le marché traditionnel.
- Troisièmement, les collectionneurs des NFT donnent une visibilité nouvelle à une esthétique qui n’a plus besoin d’être approuvée par les curateurs et les critiques d’art. C’en est fini de la dictature du bon goût, bonjour le kitsch et le vulgaire !
D’ailleurs à ce propos ….
NFT : de l’art ou du cochon ?
Une question se pose alors : la paire de fesses de Donald Trump a-t-elle une valeur comparable au sourire mystérieux de la Joconde ? Dans le New York Times, sous le titre « Beeple a gagné. Qu’avons-nous perdu ? » , le critique Jason Farago a déjà la réponse. Il est scandalisé et ne voit dans cette œuvre qu’un « violent effacement des valeurs humaines » étayé par une obsession pour les « babillages puérils ». Chez Artnet, son confrère Ben Davis en est certain : l’œuvre aura « la durée de vie des restes d’un repas au McDo ». Sympa le Davis…
Mais pourquoi tant de haine ? Il en faut plus pour déstabiliser les artistes de cette nouvelle vague. On pourrait même dire qu’il y a un vrai rejet des curateurs. Après tout, l’art numérique n’a pas besoin de la caution ou de la reconnaissance des experts pour exister dans le monde de l’art. Les œuvres sont déjà dans un réseau visible par tous et depuis un moment déjà. Pour certains d’entre eux, ils font même partie de la culture populaire depuis les prémices d’Internet.
Ce n’est d’ailleurs pas la première fois (et sans doute pas la dernière) que les conservateurs et historiens de l’art s’offusquent de la sorte. Rappelez vous La Fontaine de Marcel Duchamp, l’objet le plus polémique du siècle dernier qui se voulait “sans prix ni jury”. Il avait même été exclu de l’accrochage. Cet urinoir avait bouleversé les codes de la création artistique et donné lieu au mouvement ready-made qui continue d’influencer l’art contemporain aujourd’hui.
- À voir aussi : Twitter lance ses images de profil en NFTs
La révolution quant à elle est déjà en marche, et nul doute qu’avec les questions éthiques, écologiques, et économiques que pose l’art numérique, les enfants terribles du NFT n’ont pas fini de faire parler d’eux. Et vous, seriez-vous prêts à investir dans les NFT ?
Qu’apportent les NFT aux artistes ?
Dans la théorie, ces jetons permettent aux artistes d’utiliser pleinement leur droit de propriété sur leurs œuvres. Elles sont toujours rattachées à eux. Ils peuvent notamment percevoir des royalties à chaque fois qu’elles sont vendues. En outre, la possibilité de faire de l’art numérique permet aux artistes de toucher beaucoup plus de monde et de ne plus limiter leurs champs d’action aux galeries d’art. Libérés de ces contraintes, on peut supposer que les artistes peuvent s’exprimer plus librement.
Les NFT sont-ils des œuvres d’arts ?
Cela dépend à quoi le jeton non fongible est rattaché. Pendant le second trimestre de 2022, les ventes de NFT artistiques représentaient 5% des ventes totales. Quant aux NFT à collectionner qui ne sont pas catégorisés comme tel, ils représentent 33% des ventes totales. Et à la question : est que les NFT à collectionner sont-ils de l’art ? On vous laisse réfléchir.
Comment transformer une œuvre en NFT ?
Rien de difficile. Il faut d’abord se créer un portefeuille virtuel pour accueillir des cryptomonnaies. Ensuite, il ne vous reste plus qu’à aller sur une plateforme qui vend des NFT comme OpenSea et y mettre en vente votre œuvre.