Après avoir réalisé des tests concluants sur des animaux, Neuralink, la start-up d’Elon Musk, passe à l’étape supérieure : les expérimentations sur le cerveau humain commenceront dès 2022. L’objectif est de soigner des patients souffrants de maladies neurodégénératives ou des lésions de la moelle épinière.
- Neuralink, une interface cerveau-machine
- Elon Musk, le nouveau techno-prophète ?
- Les concurrents de Neuralink
- Des promesses qui inquiètent les scientifiques
- Quelles sont les entreprises qui ont décidé d’investir dans Neuralink ?
- Où en est Neuralink ?
- Quels sont les dangers de Neuralink ?
- Quels sont les objectifs de Neuralink sur le court terme ?
- Quels sont les objectifs de Neuralink sur le long terme ?
Neuralink avance doucement mais sûrement. Lancée officiellement en juillet 2019, la start-up américaine a pour objectif de mettre au point des implants bon marché destinés à « résoudre d’importants problèmes impliquant le cerveau et la moelle épinière ». Elon Musk en est certain : nous serons tous concernés un jour ou l’autre par des problèmes d’ordre neurologique. Après avoir testé ses puces sur des cochons en août 2020, le dernier essai réalisé avec des singes a permis à l’un d’eux de jouer à une partie de Pong mentale.
Alors qu’il déclarait être dans l’attente de l’obtention d’une autorisation de la Food and Drug Administration (FDA) pour ses essais sur le cerveau humain, Elon Musk a rendu public une offre d’emploi visant à recruter un directeur d’essais cliniques. Une nouvelle étape serait-elle sur le point d’être franchie dans le domaine de l’innovation pour la santé ? L’occasion pour nous de revenir sur ce qui pourrait faire de nous les cyborgs de demain.
Neuralink, une interface cerveau-machine
La neurotechnologie débute en 1924 lorsque Hans Berger découvre que le cerveau humain présente une activité électrique et parvient à enregistrer cette dernière.
Aujourd’hui, il existe un dispositif qui permet de connecter le cerveau à un ordinateur. C’est ce que l’on appelle des interfaces cerveau-machine ou ICM. Des électrodes sont placées à la surface de l’organe ou en profondeur, et associées à un programme informatique, et permettent aux neurones et aux microprocesseurs de communiquer entre eux.
Ce système de liaison a été mis pour la première fois en place en 1970 en Californie par la Defense Advanced Research Projects Agency (DARPA). Cette agence, chargée de la recherche et du développement des nouvelles technologies, a pour but de développer des produits à usage militaire. Le but était de créer des super-soldats capables de piloter un avion de chasse par la pensée.
Il existe différents types d’ICM selon l’emplacement des capteurs d’activité cérébrale. Les puces créées par Neuralink sont des implants dits invasifs, c’est-à-dire que les appareils sont connectés directement au cerveau et nécessitent de traverser la boîte crânienne pour capter un signal de meilleure qualité.
Comment cet implant fonctionne-t-il ?
Le concept d’interface cerveau-machine n’étant pas nouveau, la seule véritable innovation de Neuralink ne tiendrait pour certains qu’à la miniaturisation de l’implant cérébral utilisé.
Cet implant, appelé The Link (V0.9) ne mesure que 23mm de diamètre sur 8mm d’épaisseur. Prévu pour être implanté dans le cortex, il est connecté par des petits filaments (plus fins qu’un cheveu) qui, via une technologie Bluetooth, transmettent des données sans-fil à haut débit (de l’ordre de un mégabit par seconde). Cette transmission est issue de l’activité des neurones. Le Link peut mesurer la température, la pression ainsi que les mouvements du patient. Ces éléments, affirme Elon Musk, permettent de fournir des avertissements précoces en cas de crise cardiaque ou d’accident vasculaire cérébral.
De quelle façon est-il intégré ?
L’implantation ne nécessite qu’une petite chirurgie et peut se réaliser en moins d’une heure et sans anesthésie générale. Neuralink n’étant pas un laboratoire universitaire mais une start up, Musk a compris que la banalisation de la technologie ICM passe par la rapidité de ces interventions.
Pour ce faire, l’entreprise a mis au point des prototypes de robots chirurgiens. Ces robots sont équipés de caméras et de capteurs intégrés pour cartographier le cerveau et insérer l’implant.
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Elon Musk, le nouveau techno-prophète ?
Bien que les lois permettant de tester les implants sur les cerveaux humains soient très restrictives, ce genre d’essais ne suffit pas encore pour perfectionner cette technique. Ce n’est d’ailleurs pas le seul problème auquel Neuralink devra faire face pour démocratiser l’utilisation de ses implants :
Qu’en sera t-il de notre vie privée ? Nous pourrions perdre l’exclusivité de nos propres pensées et de nos souvenirs. Certains d’entre-nous sont déjà méfiants quant à l’usage des données personnelles. Qu’adviendrait-il si notre cerveau se faisait hacker ? Quelles conséquences cela pourrait-il avoir ? Et surtout y aurait-il des solutions ? Neuralink tente de rassurer : la puce doit être protégée contre les perturbations externes (interférences sur les ondes, puissance des signaux) mais aussi internes. Ses communications avec les machines doivent être inviolables.
Qu’en est-il aussi de la traçabilité de nos moindres faits et gestes, de nos pensées, qui in fine pourrait être utilisée à des fins commerciales pour nous orienter vers tel ou tel produit ? Elon Musk a dit être contre la publicité au sein de son implant. Mais qu’en sera-t-il des sociétés du même secteur ? Cela pourrait créer aussi une dépendance à la marque. Elon Musk se demande lui-même : “Comment ferons-nous quand la version 2 sera sur le marché, puis la version 3?”
Les produits se mettent à jour régulièrement. Changerons-nous nos puces de la même manière que nous changeons de smartphone? Les anciennes versions seront obsolètes, ce qui nous poussera forcément à la consommation. Il ne s’agit pas d’une simple application, mais bien d’une puce qui est l’extension de nos sens. Elon Musk a beau comparer son produit à une montre Fitbit, l’implant reste invasif ; pour le retirer il faudra forcément refaire un acte chirurgical. De plus, le produit ne serait pas accessible à tous et cela creuserait encore plus les inégalités.
Les concurrents de Neuralink
De par les questions qu’elle soulève, l’entreprise d’Elon Musk connaît beaucoup de détracteurs. Cependant n’oublions pas que Neuralink n’est pas la seule entreprise à se positionner sur ce nouveau marché concurrentiel. L’élaboration de plusieurs prototypes ont pu voir le jour.
L’entreprise californienne Synchron par exemple, a mis au point récemment un dispositif ayant la particularité d’être mini-invasif (il peut être introduit dans le corps en passant par les vaisseaux sanguins). Ce dispositif a été testé chez deux patients atteints de maladie grave provoquant une paralysie progressive des muscles. Il leur a permis entre autre d’envoyer des mails ou encore d’effectuer des achats en ligne par la pensée. Un autre dispositif semi- invasif a été évalué au centre de recherche français de Clinatec : un patient tétraplégique a pu contrôler les mouvements d’un exosquelette à quatre membres.
Rappelons aussi que l’utilisation de certaines prothèses est socialement admise : les implants cochléaires qui stimulent électriquement le nerf auditif en sont un bon exemple. La première implantation d’un tel dispositif remonte à 1957 et ne cesse d’améliorer le quotidien des personnes malentendantes. Étant nous-mêmes déjà augmentés avec des outils tels que les prothèses, devrions-nous autant nous préoccuper de cette technologie qui a déjà fait ses preuves par le passé et qui contribue à réparer l’humain?
Des promesses qui inquiètent les scientifiques
L’ICM étant une branche des neurosciences, les avancées scientifiques dans ce domaine pourront certainement aider dans le progrès de cette technologie et ainsi baisser les risques évoqués plus haut. Elle pourrait nous permettre de communiquer différemment, par la pensée par exemple. Cela changera aussi notre processus d’apprentissage. Plus besoin d’utiliser la mémoire, on pourrait transmettre des connaissances dans n’importe quel domaine. Elle nous permettrait aussi de surmonter des troubles du corps humain jusque là insurmontables comme la maladie d’Alzheimer, la maladie de Parkinson, la sclérose en plaques, et bien d’autres encore.
Pour Elon Musk il s’agit aussi d’être en symbiose avec la machine et à terme pouvoir faire face aux dangers potentiels que peuvent être les IA en les maîtrisant parfaitement. Il est pour l’heure encore difficile d’établir ce qui résulte du fantasme ou de la réalité. Et pour cause, Neuralink ne publie pas dans des revues scientifiques.
Cependant tous s’accordent à dire que pour l’instant, ces objectifs sont tout à fait hors de portée. Les scientifiques doivent en apprendre beaucoup plus sur le cerveau et son fonctionnement pour que ces innovations deviennent réalité. « Nos sens fonctionnent avec des signaux électriques envoyés par des neurones à notre cerveau. Si vous corrigez ces signaux, vous résolvez les problèmes », a affirmé Elon Musk. « Les neurones sont comme des câbles , on peut utiliser de l’électronique pour résoudre des problèmes électroniques », a-t-il ajouté.
Une vision jugée simpliste par de nombreux scientifiques qui rappellent que le cerveau n’est pas aussi compartimenté, comme le rapporte l’AFP : « Chaque cerveau a une structure unique, massivement interconnectée », a même commenté Dean Burnett, chercheur de l’université de Cardiff et cité par l’agence de presse. Pour les plus téméraires d’entre vous, à défaut de postuler pour le poste de directeur d’essais cliniques, sachez qu’il reste toujours des places en tant que cobayes.
Quelles sont les entreprises qui ont décidé d’investir dans Neuralink ?
Neuralink continue de développer son plan d’action afin de trouver des solutions technologiques. Ce sont 205 millions de dollars qui ont été investis pour le projet d’Elon Musk. Parmi les entreprises ayant participé à cette levée de fonds, on retrouve Alphabet. Il s’agit d’un conglomérat d’entreprises ayant précédemment appartenu à Google et qui concentre ses investissements sur les technologies de pointe et la vente aux consommateurs. Parmi les autres sociétés ayant participé, on retrouve également DFJ Growth ainsi que C.Vy Capital, Craft Ventures, Founders Fund, Gigafund et Valor Equity Partners.
Où en est Neuralink ?
Après avoir testé son implant sur un singe, qui a pu jouer à Pong par la pensée, Neuralink se prépare à tester ses puces sur les humains à partir de 2022. Il s’agit là de l’étape la plus cruciale dans la vie du projet d’Elon Musk, qui promet ainsi guérir les personnes atteintes de tétraplégie et de graves lésions de la moelle épinière.
Quels sont les dangers de Neuralink ?
Dans une interview publiée sur le site Daily Beast, de nombreux experts ont montré leur inquiétude quant à la supervision de l’entreprise Neuralink et de son impact potentiel sur la santé des participants à ces tests. La Dr L. Syd Johnson, professeure associée au Centre de bioéthique et d’humanités de la SUNY Upstate Medical University, déclare : “Si le but ultime est d’utiliser les données cérébrales acquises pour d’autres dispositifs, ou d’utiliser ces dispositifs pour d’autres choses – disons, pour conduire des voitures, pour conduire des Teslas – alors il pourrait y avoir un marché beaucoup, beaucoup plus grand. Mais alors tous ces sujets de recherche humains – des personnes ayant des besoins réels – sont exploités et utilisés dans des recherches risquées pour le profit commercial de quelqu’un d’autre.”
Quels sont les objectifs de Neuralink sur le court terme ?
Sur le court terme Neuralink veut des solutions efficaces aux maladies neurodégénératives qui se caractérisent par la destruction progressive de certains neurones. Elles regroupent plusieurs pathologies comme la maladie d’Alzheimer et la maladie de Parkinson, la sclérose en plaques, la maladie de Charcot, etc.
Quels sont les objectifs de Neuralink sur le long terme ?
Sur le long terme, Elon Musk a des ambitions bien plus grandes: faire de nous des humains augmentés, via « une sorte de symbiose avec l’intelligence artificielle ». Selon lui, cela permettrait de canaliser l’intelligence artificielle dont les progrès sont de plus en plus menaçants. Son but est de créer un homme dont la bande passante lui permettra d’être l’égal des machines : «Si vous ne pouvez pas battre les machines, devenez-en une», avait-il déclaré.