Les mauvaises choses arrivent souvent sans que l’on puisse faire quoi que ce soit. On a confié les rênes d’un film sur votre licence fétiche à un réalisateur que vous détestez ? Ce monde est cruel ! Il reste de l’espoir, on vous rassure. Une foule d’aigris qui crie en cœur se fait entendre de temps en temps et une entreprise rétropédale.
Des produits finis décevants qui résultent de prises de décisions questionnables ou des directions douteuses qui persistent, ça ne manque pas aujourd’hui. L’industrie des jeux vidéo en est malheureusement une excellente illustration. Comment oublier l’échec de Battlefield 2042 farci de bugs, une énième copie d’une copie essayant de se faire passer pour un nouveau jeu nommée Far Cry 6 ou bien l’échec rocambolesque de Cyberpunk 2077. Cependant, la grogne populaire réussit parfois à empêcher des bêtises. Lorsque les développeurs de Stalker 2 ont la brillante idée d’intégrer des NFT dans leur jeu, c’est la communauté qui les rappelle à l’ordre. Fabuleux, en voilà des gens responsables ! Partons donc en quête de ces quelques fois qui nous font dire que le pouvoir appartient un peu au peuple.
La Xbox One avec une connexion internet obligatoire
Nous sommes en mai 2013, Microsoft vient de présenter sa vision de la console de huitième génération en montrant la Xbox One. Tous les yeux sont braqués dessus et l’attente des joueurs grandit de façon exponentielle. C’est dans ce contexte que Phil Harrison, alors vice-président de Microsoft, annonce quelque chose qui va avoir l’effet d’une bombe. La Xbox One exigera une connexion à internet toutes les 24 heures. Impossible donc de jouer hors ligne plus d’une journée. Mais pas de panique, une fois ce délai passé, vous pouvez toujours utilisez la console comme lecteur DVD, tout baigne ! L’idée de payer 500€ et de ne pas pouvoir profiter de sa console en toute circonstance, ça n’a pas plu à beaucoup de monde, vous vous en doutez.
« Nous avons un produit pour ceux qui ne sont pas en mesure d’obtenir une forme de connectivité et ça s’appelle la Xbox 360. » Don Mattrick, ancien président de la division Interactive Entertainment Business de Microsoft
Phil Harrison explique également que chaque jeu sera lié à un seul compte Xbox Live grâce à un code unique dans la boîte. Des questions évidentes viennent alors à l’esprit des journalistes et ces derniers obtiennent des réponses, disons assez surréalistes. Que se passent-ils si l’on souhaite prêter un jeu à un ami ? Celui-ci doit acheter le droit d’y jouer avec son propre compte. Autrement dit, soit il se connecte sur votre compte, soit il achète, pas de générosité ici. Brillant ! Dans la même optique, la vente de jeux en occasion sera encadrée. Elle ne se fera que dans des boutiques agrées et que si l’éditeur donne son accord. Étant donné que ce marché représente un manque à gagner pour eux, on imagine facilement la suite.
Rappelons qu’en 2013, l’achat de jeux en physique a encore une place très importante dans les habitudes de consommation. La dématérialisation ne fait que tranquillement démarrer sur console. Or, un jeu neuf récent en magasin, c’était et c’est toujours 60 ou 70 euros. Traduction : plus de circuits alternatifs, payez plein pot ou allez voir ailleurs ! Le 19 juin 2013, le site Xbox Wire publie un article intitulé « Your feedback matters ». Celui-ci indique que tous les jeux, même achetés en ligne, seront jouables sans connexion internet. De plus, l’échange, la revente, le don ou la location de jeu redeviennent possibles. Microsoft a fini par filer droit. Il faut dire que continuer dans la direction qui ne plaît pas à des dizaines de milliers de joueurs, c’est assurer le boycott de sa console.
WhatsApp : le partage de données au forceps
Au début de la piteuse année 2021, cette célèbre messagerie instantanée rattachée à Facebook depuis 2014 semble avoir une idée fixe. En effet, l’entreprise annonce un changement de ses conditions d’utilisations et leur application le 8 février 2021. Le problème vient de l’extension du partage des données vers Facebook qu’elles intègrent. Déjà touché par des scandales sur l’utilisation des données personnelles comme celui de Cambridge Analytica, Facebook n’a pas la côte là-dessus. Difficile de voir ce changement d’un bon œil. Là où le bât blesse, c’est que WhatsApp souhaite imposer ces nouvelles conditions d’utilisations.
Ainsi, celui qui les refuse va progressivement voir la messagerie se limiter pour lui. Impossible d’envoyer des messages ou de lancer des appels, il ne peut que répondre et décrocher. Après quelques semaines en usage restreint, il ne sera même plus en mesure de recevoir quoi que ce soit. Il faut accepter ou utiliser une autre application. Une sorte de prise d’otage en somme, sans doute à l’origine de nombreuses suppressions de compte WhatsApp.
D’après la messagerie, cette extension du partage de donnée est nécessaire pour accomplir un objectif de Mark Zukerberg : transformer WhatsApp en intermédiaire entre internautes et commerçants.
La messagerie ne compte pas fouiner dans les échanges de ses utilisateurs comme beaucoup ont pu le penser pendant la panique qui a suivi le début de la polémique. Néanmoins, forcer l’acceptation de ces conditions avec des restrictions fortes et un ultimatum, ça ne sera jamais quelque chose d’acceptable. Après l’annonce, la messagerie subit rapidement une fuite massive d’utilisateurs vers des concurrents comme Signal ou Telegram en plus du traditionnel incendie sur les réseaux sociaux. This is fine ! WhatsApp repousse la date butoir au 15 mai 2021, mais ne semble pas vouloir lâcher le reste. Finalement, la messagerie abandonne le caractère obligatoire de ses conditions durant ce même mois.
Ici, la communauté n’a pas été la seule à motiver ce retour en arrière. Des acteurs étatiques comme le commissaire allemand à la protection des données Johannes Caspar s’en sont mêlés. Tout le mérite ne revient donc pas aux internautes surtout lorsque ces derniers tirent leur motivation de fausses informations. Malgré cela, c’est peut-être grâce à cette indignation que les institutions ont mis leurs grains de sel dans cette histoire.
Star Wars Battlefront 2 ou l’amour d’EA pour les microtransactions
Après un premier remake un peu décevant de cette licence culte, la firme américaine remet le couvert avec un second jeu en 2017. Quelque chose cloche : alors qu’il n’est pas encore sorti Star Wars Battleront 2 affiche 1/10 de score sur Metacritic. Un message du community manager d’EA sur Reddit à propos du jeu a même reçu 700 000 votes négatifs. Ça fait pew pew, on y retrouve Dark Vador et c’est plutôt joli, où voyez-vous un problème ? Tout vient du modèle économique du jeu. En effet, toute la progression passe par l’ouverture de boîtes ou lootbox en échange de crédits gagnés au compte goutte pendant les parties. Celles-ci contiennent des éléments aléatoires permettant notamment d’améliorer ses personnages ainsi que ses armes. S’améliorer demande donc beaucoup de temps et de la chance… à moins de payer.
D’après le site Star Wars Strategy, pour tout débloquer dans la première version de Battlefront 2, il faut jouer plus de 4500 heures sans payer ou bien dépenser 2100$. Quatre ans après, on peut toujours saluer la performance d’EA en matière de culot. Souvent imitée rarement égalée.
En effet, le joueur peut choisir de passer à la caisse pour échapper à la frustration que procure un tel système. Payer permet de gagner facilement et rapidement un net avantage sur les autres joueurs qui souhaite obtenir la même chose à la régulière. Vous dépensez donc soixante-dix euros pour qu’un jeu vous incite à rebrandir votre carte bleue pendant vos sessions. On n’arrête pas le progrès ! Dark Vador y est bel et bien jouable, mais il faut économiser 60 000 crédits pour le débloquer sans payer. Soit une trentaine d’heures de jeu en n’améliorant rien d’autre.
Face à la rage des joueurs qui ont essayé la bêta de Star Wars Battlefront 2, Electronic Arts a rapidement adoucis la courbe de progression avant de complètement suspendre le modèle économique. Censée être temporaire, cette décision a fini par être définitive. Notons d’ailleurs que les lootboxes demeurent interdites en Belgique en partie à cause de ce jeu.
En conclusion ?
Ne nous embêtons pas à imaginer des choix absurdes qui crient l’appât du gain ou le mépris des consommateurs, certaines entreprises le font très bien pour nous. En revanche, continuons à réagir le plus possible, à tweeter notre aigreur (sur les entreprises et les idées plutôt que sur les individus, cela va de soi), à descendre les notes sur Metacritic ou bien à boycotter ce qui nous pose problème. Avec politesse et respect, bien évidemment. Être consommateur, c’est inévitable et un peu triste, alors soyons au moins des consommateurs actifs avec un minimum de recul critique.