Le luxe et les l’Internet des Objets sont deux univers porteurs : en les associant, les entreprises pourraient profiter des bénéfices de ces deux mondes. Panorama des bénéfices du luxe connecté au travers d’un exemple imaginé par Aruco : le sac à main connecté de Louis Vuitton.
La théorie du luxe connecté
Le luxe se caractérise par un fort consentement à payer (“customer willingness to pay”) de la part des consommateurs, consentement qui n’a souvent que peu de limite. Les profits que font les entreprises égalent la différence entre les revenues, dépendant de la quantité de produits vendus et du prix (lui même fixé pour le luxe en fonction du consentement à payer des consommateurs du luxe), et les coûts. Le marché du luxe s’octroie des marges en jouant sur la variable prix, appuyé sur la forte élasticité du consentement à payer des consommateurs du luxe. La rareté et les prix élevés font des objets du luxe des produits difficile d’accès, ce qui en augmente d’autant plus leur valeur pour ceux qui se les procurent.
En connectant leurs produits, les entreprises du luxe peuvent augmenter d’autant plus la valeur perçue de leurs offres malgré une augmentation de leurs coûts. Comme les consommateurs de la niche du luxe ont la caractéristique d’avoir une demande élastique au prix, les entreprises du luxe pourront sans mal augmenter le prix de leurs offres davantage que n’augmente le coût additionnel induit par le fait de connecter l’objet. Bien plus que l’augmentation de la valeur perçue du produit, c’est la création de services connectés qui pourraient faire la valeur du luxe connecté. En connectant leurs produits, les entreprises du luxe peuvent établir des relations privilégiées avec leurs clients et créer des communautés de personnes partageant les mêmes intérêts pour créer de nouvelles sources de revenus. La preuve au travers d’un exemple dans les paragraphes suivants.
Imaginons un objet connecté de luxe
Nous avons voulu étudier en détail les bénéfices que peuvent créer le luxe connecté au travers d’un exemple. Nous avons ainsi imaginé un sac à main connecté, made by Louis Vuitton.
Le sac connecté de Louis Vuitton intégrerait deux capteurs de mesure directe, géolocalisation et température destinés à appréhender l’environnement de l’utilisateur (position dans l’espace, température environnante). Le « capteur d’humeur » composé d’un capteur de son, un accéléromètre sera couplé à un algorithme permettant d’analyser l’humeur du propriétaire du sac à main. Il sera central dans la stratégie marketing du sac à main.
Le sac communiquerait au smartphone utilisateur via la technologie Bluetooth Low Energy. Une application (compatible iOS et Android) sera liée au sac à main et permettra l’affichage d’une « carte utilisateur », la création d’une communauté de luxe et des recommandations contextuelles intra-communauté, fonctionnalités que nous allons développer par la suite.
Quels bénéfices pour les clients ?
En connectant ses sacs à mains, Louis Vuitton pourrait créer de la valeur pour son client, notamment par la création de nouveaux services connectés orientés autour de l’objet connecté. En équipant ses sacs à main de capteurs (géolocalisation), Louis Vuitton peut permettre à ses utilisateurs de localiser les adeptes Louis Vuitton sur une carte : une bonne fonctionnalité lorsqu’on sait les caractéristiques communautaires et « d’être vus » des partisans du luxe. Mais le service peut aller beaucoup plus loin : en localisant ses utilisateurs, Louis Vuitton peut créer une communauté utilisateurs autour du luxe. En sachant où ses utilisateurs se rendent (shopping, restaurants, événements,…), Louis Vuitton peut ainsi fournir des recommandations pour les adeptes du luxe :
« Vous êtes rue Saint-Rome à Toulouse et vous faites du shopping, Louis Vuitton vous recommande ces magasins situés à 200m, qui sont les plus appréciés par les adeptes Louis Vuitton« .
Ces recommandations et la création de cette communauté du luxe peuvent être grandement appréciées des clients qui, bien souvent, jugent les bons plans sur les goûts et recommandations des autres adeptes du milieu du luxe.
Les capteurs de température et « d’humeur » pourraient même pousser le processus de recommandations plus loin en personnalisant ces dernières selon l’environnement et l’état d’esprit du propriétaire du sac à main :
Il est 19h30 et vous avez froid parce que vous marchez plus vite que d’habitude. Il y a deux semaines vous aviez parlé de « foie gras » sur un ton qui montrait votre envie pour un tel plat. Nous vous conseillons le restaurant Gastronomique De l’Ouest, situé à 200m de vous, qui est chauffé plus que la normale, qui sert de très bonnes entrées avec du foie gras et qui a été apprécié par 28 membres de la communauté. Un taxi vous attend à la sortie du restaurant si vous décidez de vous y rendre pour vous raccompagner chez vous.
Louis Vuitton ne vendrait plus qu’un sac à main de luxe, mais un sac à main permettant d’avoir accès à une communauté fermée de personnes prisant les mêmes intérêts pour le luxe.
Créer une communauté d’utilisateurs Louis Vuitton :
En connectant ses sacs à mains, Louis Vuitton pourrait ainsi créer des relations privilégiées avec ses clients via les services connectés qu’il offrirait avec l’achat de ses produits. Louis Vuitton pourrait par ce biais créer une communauté fermée de personnes ayant les mêmes intérêts et utiliser les informations récoltées par les objets connectés du groupe pour fournir des recommandations liées aux intérêts partagés par la communauté. Une telle communauté augmenterait les revenus du groupe via des achats plus récurrents grâce à une fidélité clientèle renforcée par le sentiment d’appartenance à une communauté.
Les revenus pourraient également croître par la diversification des sources de ces derniers : via le système de recommandation, Louis Vuitton pourrait générer des revenus grâce aux tierces parties. En effet, les restaurants haut-de-gamme pourraient avoir de l’intérêt à faire du Business avec Louis Vuitton pour apparaître dans les meilleures recommandations liées aux fréquentations des contributeurs à la « communauté du luxe Louis Vuitton« .
De plus, la proposition d’un tel service connecté centré autour d’une communauté où chaque membre se montre et affiche ses lieux et centres d’intérêts pourrait être un moyen efficace de se différencier des contrefaçons qui auraient du mal à reproduire une telle offre.
images : shutterstock / LV / Tooykrub
Merci à Jean-Loup Dubin pour sa conversation passionnante ayant donné naissance à cet article
L’idée d’une communauté « luxe » est pas mal mais pour le sac connecté je ne suis pas sûr…
Sachant que le le smartphone de la propriétaire du sac sera quasiment toujours dans ou à proximité du sac, le GPS du sac ferait double emploi avec celui du smartphone, tout comme l’accéléromètre , qui en plus ne doit pas être très précis sur un sac à main (avec l’effet balancier du sac). De plus, en ce qui concerne la température et le son, je ne suis pas sûr que ce soit de très bon indicateurs, du moins ils risquent souvent d’être biaisé (notamment dans les transports en communs). Et, il va être difficile de faire accepter à ces propriétaires fortunés de devoir recharger son sac à main en plus de smartphone (surtout que le sac devra avoir une longue autonomie pour couvrir toute la journée).
Enfin, ce sac me semble surtout bénéfique pour la marque mais pas tellement pour ces clients, qui en plus ne sont pas les cibles actuelles de l’Internet des objets
Détrompez-vous, on utilise déjà des technos sans-fil dans le luxe, notamment pour authentifier les produits. valider la nature d’un sac vuitton ou d’une bouteille de grand-cru a une valeur pour l’utilisateur qui paye le prix plein d’un produit statutaire.
Merci far38 pour avoir exprimé votre vision sur le sujet et de l’avoir, qui plus est, justifiée.
Effectivement, la plupart des capteurs évoqués dans l’article sont déjà présents dans certains smartphones (par exemple le Samsung Galaxy S4 qui en contient toute une panoplie). Les implanter dans les objets justifie l’accès à cette « communauté du luxe » que vous avez apprécié. C’est certes plus bénéfice pour la marque que pour ses clients comme vous l’affirmez avec justesse. Pour le client, de tels capteurs implantés dans le sac fait pas forcément double emploi avec ceux du smartphone dans la mesure où il peuvent être associés à de nouveaux services. Le capteur GPS peut par exemple être gage de sécurité (la marque peut repérer votre sac si vous vous le faites voler) tout comme l’accéléromètre qui pourrait faire des alertes en temps réel (s’il détecte un brusque mouvement inhabituel alors que celui du smartphone ne détecte rien d’anormal).
Au sujet des capteurs de température et de son, ils peuvent aisément ne pas être biaisés dans les transports en commun comme vous l’évoquez, il suffit que l’intelligence qui analyse les données comprenne que l’utilisateur est dans les transports en communs (et ce n’est pas très dur technologiquement) pour en tirer les conséquences sur la validité et l’utilisation à faire des données des capteurs.
La batterie sera un des enjeux technologiques à dépasser effectivement. Ce qui est sûr, c’est que le seuil « de la journée » que vous évoquez devra être largement dépassé si les marques veulent vendre le produit à une segmentation utilisateur souvent pointilleuse. Imaginez un « porte sac » où déposer le sac le recharge automatiquement sans que l’utilisateur ne se rende même compte de la recharge. Grâce à une demande accrue du côté des smartphones, les performances des batteries sont amenées à croître dans les prochaines années : les marques pourraient également surfer sur cette vague technologique.