Certaines voix s’élèvent également pour mettre en avant les risques sociétaux et environnementaux que pourraient générer le développement de l’internet des objets. Ces obstacles pourraient être autant de freins à la réalisation des chiffres promis par les études, mais également une source de coût pour les acteurs qui devront trouver des réponses aux problématiques soulevées.
On l’a vu au travers de nombreuses études publiées sur le sujet et les chiffres astronomiques de valeur de marché (14,4 Trillions de dollars à horizon 2022 selon Cisco) , l’Internet des Objets (IdO) est tiré par de multiples facteurs positifs.
Qu’ils soient politiques avec l’intégration comme marché stratégique pour le gouvernement français dans son plan de développement économique et le soutien apporté au travers de la BPI, les attentes économiques considérables portées par le secteur, les gains de revenus, de productivité mais également les économies espérées sur de nombreuses activités.
A l’heure actuelle, 3 problématiques se dégagent :
- la question de la sécurité et de la protection des données privées d’une part,
- l’impact environnemental d’un tel développement d’autre part,
- et le cycle de déploiement des grands industriels.
La sécurité et la protection des données
Concernant le cadre juridique, la gestion des données récoltées risque de poser problème. En effet, les organismes juridiques se penchent de plus en plus sur la question. C’est à travers leur « Lettre innovation et prospective » n° 4 parue en Mars 2013 que la Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés (CNIL) a déclaré s’intéresser de près aux nouveaux objets et services qui créent, stockent des données personnelles et tracent nos activités. Nul doute que cet organisme ne sera pas le seul à superviser et encadrer les futurs acteurs du marché des objets connectés dans les années à venir. (source : CNIL)
[embedArticle id= »27645″ align= »left »] Dans son livre « Les objets connectés – Sécurité juridique et technique », l’avocat au barreau de Paris spécialisé dans la sécurisation des échanges électroniques Thierry Piette-Coudol aborde notamment le flou voire le vide juridique qui entoure l’industrie de l’Internet des Objets. Si les pouvoirs publics se sont déjà emparées de la question, tant au niveau français avec la CNIL qu’au niveau européen, il leur sera difficile de s’adapter aux évolutions très rapides des produits, services, technologies qui vont régir l’industrie.
Pour autant, la question de la responsabilité qui, en droit, impose de désigner le porteur d’un préjudice à autrui en cas de dommage causé de lui faire réparer ce préjudice va se confronter à la multitude de scénarios possible liés aux objets connectés. Certains juristes vont jusqu’à se demander si les objets eux-mêmes ne devraient pas devenir sujet de droit alors que ce n’est pas le cas actuellement.
Quid également des risques encore non complètement identifiés des risques sanitaires liés à l’exposition aux ondes qui permettront de connecter entre eux ces Trillions d’objets ? [embedArticle id= »31463″ align= »left »]
Enfin, la sécurité des utilisateurs est une question également centrale dans le développement de l’Internet des Objets. Après les récentes révélations, apportées par l’affaire de piratage de la Jeep Cherokee par les chercheurs Chris Valasek et Charlie Miller, les dispositifs de sécurité liés aux objets connectés ont fortement été remis en question. Suite à la découverte de cette faille, le constructeur des Jeeps, Chrysler, a été obligé de procéder à une mise à jour d’urgence sur plus de 1,4 million de véhicules !
Le constat est flagrant, les systèmes de sécurité des appareils intelligents sont encore loin d’être suffisants. Et si, comme le prédit le groupe GFK nous posséderons en moyenne 30 objets connectés par foyer en 2020, qu’en sera-t-il des données sensibles et personnelles récupérées par ses derniers ?
Les failles de sécurité ainsi mises en lumières font naitre des inquiétudes légitimes chez les utilisateurs qui voudront être rassurés sur leur propre intégrité physique et la protection de leurs biens dans l’utilisation de ces objets connectés.
Le graphique ci-dessous résume les inquiétudes possibles auxquels les différents acteurs de l’Internet des Objets devront répondre pour s’assurer de la croissance de leur industrie. En tout premier lieu, les acteurs qui transportent la données, les flux d’information et qui connectent donc ces objets entre eux devront apporter des réponses technologiques qui pourront avoir un impact non négligeable sur leur business model.
Les questions environnementales
Il convient par ailleurs de ne pas laisser de côté une problématique primordiale dans le développement de ce marché : l’influence de l’Internet des Objets sur l’environnement.
Un point de vue partagé par Pierre Bonzom, Président d’ELA Innovation et expert en nouvelles technologies, et notamment le RFID (pour Radio Frequency Identification, une méthode pour mémoriser et récupérer des données à distance en utilisant des marqueurs appelés « radio-étiquettes »), précurseur de l’IdO dans un article du Monde paru en Août 2015.
Pierre Bonzom rappelle notamment que :
« ce marché va générer une plus grande production d’énergie électrique, nécessaire pour alimenter l’ensemble des piles et batteries embarquées, ainsi qu’une augmentation des ondes émises, pouvant même aller jusqu’à une saturation complète. Les enjeux environnementaux que représente ce marché sont donc bien présents »
En effet, un objet connecté est d’un point de vue matériel une carte électronique avec plus ou moins d’intelligence (microprocesseur, mémoire, capteurs,…), majoritairement autonome en énergie grâce à une pile ou une batterie, et transmettant ses données grâce à une technologie de communication sans fil. Dans cette description, on constate aisément les deux points « sensibles » au regard des enjeux environnementaux.
D’une part, le fait que la technologie soit « embarquée » implique une « énergie transportable » et d’autre part, la notion de transmission sans fil sous-entend l’émission d’ondes plus ou moins nocives pour l’être humain et l’environnement.
En restant positif, nous pouvons faire confiance aux différents acteurs de l’éco-système, qu’ils soient privés sous contrôle des états pour trouver peu à peu les réponses à ces questions pour faire en sorte que la promesse de l’internet des objets comme nouvelle révolution industrielle positive soit tenue, Gartner plaçant lui-même le monde des objets connectés au sommet des enjeux stratégiques de l’année.
L’adoption de l’IoT par les grands groupes industriels
Si les objets connectés les plus visibles aujourd’hui sont plus des « gadgets » tels que les montres d’Apple, les balances et réveils de Withings, il est fort probable que l’avenir de l’internet des objets se trouve dans l’industrie.
Capteurs permettant de suivre des containers par millions, compteurs électriques, relevés des sols, données climatologiques, capteurs automobiles ou aéronautiques et autres applications très industrielles seront à même de faire en sorte que l’Internet des objets soit la révolution promise.
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La course à la technologie d’une part mais aussi à la taille des réseaux dédiés à l’internet des objets visent principalement ces marchés où les objets sont très faibles consommateurs d’énergie (parfois même totalement autonomes) mais, pour relever l’équation économique entre le coût de déploiement des solutions et les optimisations attendues, doivent atteindre un parc critique.
De fait, les grands acteurs de l’énergie, du transport et de la logistique, de la santé seront probablement les cibles de ces acteurs qui créent des réseaux dont l’envergure est censée répondre à des besoins mondiaux en terme de couverture. Mais pour que ces solutions voient le jour, le réseau ne sera pas l’unique clé : il faudra aussi que les projets se développement à la même vitesse. Et c’est peut être un frein au développement voire un vrai risque pour les acteurs de réseau qui devront « remplir leur tuyaux » le plus vite possible.
Comme dans les réseaux de data mobile, la course à la quantité sera un vrai enjeu alors qu’en face, les industriels d’envergure ne sont pas réputés pour leur rapidité à déployer leurs projets.
Ils sont évidemment soumis à des processus de production long incluant la réflexion, la conception, la phase de tests, la production et la mise sur le marché. Ces processus peuvent prendre plusieurs années et il faudra que le laps de temps entre le déploiement du réseau des différents acteurs et la connexion des millions d’objets prévus ne soit pas trop en décalage, sous risque de mettre l’éco-système en danger.
Précurseur dans l’internet des objets connectés avec son lapin connecté Nabaztag, Rafi Haladjian va jusqu’à prévoir « la fin de l’Internet des Objets » en pointant la possible lassitude des consommateurs à dépenser leur argent dans des gadgets coûteux et dont l’apport ne saute pas forcément aux yeux….
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