Deepfakes vidéos et/ou vocaux, les outils mis à disposition des internautes pour truquer la réalité se multiplient et s’améliorent de jour en jour. Certaines vidéos ont un objectif humoristique, mais d’autres tombent purement et simplement dans l’obscénité ou le champ des fake news.
La vidéo de David Guetta utilisant des IA pour générer des paroles à la façon d’Eminem puis reconstituer la voix du « Rap God » a fait grand bruit et a remis en lumière les problématiques liées aux deepfakes. Aujourd’hui, de nombreux sites internet et applications permettent de truquer des audios ou des vidéos, mais est-ce légal ? Qu’avez-vous le droit de créer et de partager ?
C’est quoi le deepfake ?
Le deepfake désigne les manipulations par intelligence artificielle de vidéos, d’images ou d’audios pour en modifier l’apparence. On parle de deepfake car ces contenus s’appuient sur le deep learning et servent à falsifier les contenus originaux.
Concrètement, une vidéo où Jim Carrey remplace Jack Nicholson dans The Shining est un deepfake.
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Les deepfakes : quels problèmes ?
Selon Deeptrace, une société de cybersécurité, 96% des deepfakes sur internet sont des contenus pornographiques… Actrices, streameuses et personnalités publiques féminines en général sont victimes de détournements de leur image à des fins obscènes…
Pour les 4% restants, des vidéos amusantes peuvent être faites, mais cela peut aussi servir à de mauvaises intensions, pour notamment produire des fake news ou s’adonner au vol de propriété intellectuelle.
Que dit la loi ?
En France, il existe différentes façons de se protéger des deepfakes. Une d’entre elles est prévue dans le cadre d’une loi datant du 1er aout 2020 – ayant pour but de lutter contre les vidéos truquées qui détournent l’image de personnalités. Elle indique que sera « puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende le fait de publier, par quelque voie que ce soit, le montage réalisé avec les paroles ou l’image d’une personne sans son consentement, s’il n’apparaît pas à l’évidence qu’il s’agit d’un montage ou s’il n’en est pas expressément fait mention ». (ndlr. Article 226-4-1 du code pénal).
En complément, il vous sera possible de porter plainte pour usurpation d’identité, diffamation ou faire valoir vos droits à l’image.
Dans le cas spécifique de David Guetta, le chercheur Akhil Satheesh, explique la spécificité du droit américain sur le deepfake dans Journal of Law and Technology :
“La loi américaine sur le copyright autorise la création de contenus basée sur les deepfakes, car elle considère qu’il s’agit de fair use […] et comme ces lois s’appliquent quelle que soit l’intention du créateur, il est même possible de faire considérer ces deepfakes – quand bien même ils seraient produits de façon mal intentionnée – comme des parodies. Ils sont alors protégés au même titre que ces dernières”,
Ai-je le droit de faire un deepfake comique :
En clair : oui ! Si vous faites un montage comique clairement identifiable comme un détournement, vous ne serez pas inquiété. Attention toutefois à ne pas être insultant !
Les sites ont-ils le droit de censurer un deepfake ?
Bien que des lois existent pour protéger les utilisateurs, leur mise en pratique demeure complexe. Certaines plateformes comme Reddit, Twitter et certains sites pornographiques se sont engagés à censurer et bannir les vidéos ou les comptes publiant ce type de contenu.
Malheureusement, cette censure faite par les sites est insuffisante. Tout d’abord, parce qu’ils ne peuvent pas vérifier toutes les vidéos et tous les comptes publiant du contenu. Quand bien même ils seraient en mesure de le faire, les vidéos en question sont facilement téléchargeables et donc re-partageables sur la Toile.
Par ailleurs, les bannissements de comptes et d’adresses IP n’y changent rien, car l’utilisateur pourra très facilement se recréer un identifiant ou changer sa localisation via un VPN.
Comment appliquer la loi ?
L’autre problème majeur avec l’application de la loi sur internet est qu’il est difficile de retrouver les auteurs… Aucune donnée chiffrée n’existe sur les arrestations liées aux deepfakes sur internet, mais nous pourrions nous servir d’un autre acte illégal qu’une majorité de Français ont déjà pratiqué : le téléchargement !
81 % des répondants ont affirmé télécharger illégalement des films au moins une fois par mois.
Source : Statista
Souvenez-vous d’Hadopi ! Cet organisme supposé réguler les téléchargements illégaux fut un flop colossal… En plus de 10 ans, seuls 517 jugements ont été recensés (à noter qu’un jugement n’aboutit pas forcément à la prison, il peut s’agir d’une simple allusion à comparaitre).
Comprenez-nous bien, l’objectif ici n’est pas de se gausser de l’échec d’Hadopi, mais de mettre en lumière la difficulté de faire appliquer la loi sur internet. Aujourd’hui, cet organisme n’existe plus et a été remplacé par l’Arcom qui n’a pour le moment communiqué aucune donnée à ce sujet.
Des pistes d’améliorations ?
Des initiatives existent bel et bien et plusieurs sites s’organisent pour lutter contre les activités illégales sur internet.
Par exemple, ACE est un organisme créé par différentes plateformes de streaming légal qui traque les sites de téléchargements illégaux. Il a notamment déjà fait « tomber » Zone Téléchargement et affiche à la place une interface redirigeant vers les différentes offres légales.
« Tomber » entre guillemets, car dans les faits, Zone Téléchargement s’est déjà recréée un autre nom de domaine et continue de revenir avec un .com ou un .net, etc. Cette initiative tente comme elle peut de mettre fin à une activité illicite très répandue en ligne. Et qui sait, d’autres solutions similaires pourraient voir le jour pour lutter contre les deepfakes malveillants…
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