Envoyer un mail, liker un post, regarder une vidéo en streaming : autant de gestes qui peuvent vous paraître anodins. Et pourtant, ces activités numériques polluent et représentent à elles seules 4 % des émissions de gaz à effet de serre mondial et pourraient afficher un taux de 8 % d’ici 2025. Une pollution numérique invisible qui a des conséquences bien réelles sur notre environnement.
Avec plus de 4,9 milliards de personnes connectées dans le monde et une course au développement d’échanges virtuels toujours plus rapides et de stockages de données toujours plus vastes, la toile que tisse Internet ne cesse de s’étendre. D’après un rapport publié en 2019 par l’ADEME (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie), les activités numériques représentent 4 % des émissions des GES (gaz à effet de serre) au niveau mondial, soit 1,5 fois plus que le transport aérien.
Vous l’aurez compris, la question n’est plus de savoir si Internet pollue, mais de prendre conscience de son impact sur la planète afin d’accélérer la transition vers une sobriété numérique. Quelles sont les bonnes pratiques à mettre en place pour diminuer sa pollution numérique ?
Qu’est-ce que la pollution numérique ?
La pollution numérique, c’est l’ensemble de la pollution générée par les nouvelles technologies. On distingue généralement deux types de pollution numérique : la pollution engendrée par le fonctionnement du réseau internet (les millions de kilomètres de câbles en cuivre et de fibres optiques, les data centers) et la pollution engendrée par la fabrication des outils informatiques (ordinateurs, smartphones, tablettes, etc.).
Comme vous pouvez l’observer sur le camembert ci-dessous, le numérique est divisé en 3 tiers : les équipements informatiques, les data centers, et les infrastructures réseaux qui relient les utilisateurs entre eux et aux centres informatiques. Vous êtes sans doute surpris de constater d’emblée que les plus gros pollueurs ne sont pas les data centers qui n’occupent « que » la 3e place, mais bien nos équipements informatiques !
La pollution due aux équipements numériques
En 2019, le numérique mondial représentait déjà 34 milliards d’équipements informatiques pour seulement 4,1 milliards d’utilisateurs, ce qui équivaut à un peu plus de 8 équipements par utilisateur, selon un rapport publié par GreenIT. De par leur nombre et leur processus de fabrication, les équipements des utilisateurs sont la principale source d’impacts du numérique mondial et représentent 47% des émissions des GES générées par celui-ci.
La production de ces supports demande plus d’énergie et pollue plus durant sa fabrication que durant le reste de sa durée d’utilisation. Cette pollution est principalement due à la nature des composants comme le tantale (présent dans les téléphones portables) ou l’indium (indispensable aux écrans plats LCD), des matériaux complexes qui exigent des traitements chimiques, mais aussi au transport de ces matériaux et des différents composants à travers le monde. Prenons l’exemple du téléphone : dans les années 50, on dénombrait une douzaine de métaux dans un téléphone fixe. Les téléphones des années 90 eux, en comptaient 29. Aujourd’hui, nos smartphones, sont plus petits certes, mais plus performants et comptent 55 matériaux. Pour vous donner un ordre d’idée, nos smartphones sont plus puissants que les programmes informatiques qui ont envoyé l’Homme sur la Lune en 1970 (Apollo 13). Donc, plus on miniaturise et complexifie les composants, plus on alourdit leur impact sur l’environnement.
Cela se vérifie aussi avec la puce électronique. Bien qu’elle ne pèse que 2g, elle nécessite 32 kilos de matières premières. Dites-vous qu’il y a plus de sous-traitants pour une puce que pour un Boeing 747 et si on y ajoute le déplacement des matières, la logistique, et la consommation énergétique au poids de la puce, c’est complètement fou !
La pollution due aux infrastructures réseaux
Le réseau relie les terminaux des utilisateurs entre eux et aux data centers. Il est constitué des équipements qui forment la « boucle locale » : cela représente 1,1 milliards de box DSL/fibre, 10 millions d’antennes-relais (2G à 5G) et environ 200 millions d’autres équipements actifs réseau WAN (réseau étendu hors les murs) et LAN (réseau local dans les murs). Autant d’éléments qui contribuent au réchauffement climatique et qui représentent 28 % des GES générés par le numérique.
La pollution due aux data centers
Les centres de stockage de données, quant à eux, représentent 25 % des GES. De plus en plus d’informations transitent vers ces centres, notamment dans le cadre du cloud gaming fourni par Xbox, ce qui a pour conséquence d’accroître leur consommation énergétique. Il y a plus de 4 000 centres de données à travers le monde. Ces infrastructures consomment beaucoup d’énergie, car elles doivent être constamment alimentées en électricité. De plus, elles doivent être refroidies, ce qui représente la moitié de leur consommation énergétique. Le problème, c’est que ces énergies proviennent souvent de ressources fossiles (charbon, pétrole, gaz) qui sont les plus polluantes.
Des impacts environnementaux et humains
L’extraction de matériaux rares que l’on utilise pour la fabrication des téléphones, ordinateurs, etc. mais aussi pour les matériels électroniques hébergés dans les data centers, entraîne une pollution des sols, de l’air et des eaux et l’épuisement de ces ressources (qui ne peuvent être produites par l’Homme). La production de l’électricité consommée par les utilisateurs occasionne aussi des impacts écologiques. À l’échelle planétaire, elle est principalement responsable de l’épuisement des énergies fossiles et de l’émission de gaz à effet de serre qui contribuent au réchauffement global. Sans compter la chaîne de reconditionnement des produits qui est à la baisse : seulement moins de 20% passent en réalité par une filière de recyclage lorsqu’ils sont jetés. Nos déchets numériques en 2021 représentaient une montagne de 57 millions de tonnes, soit plus que le poids de la Grande Muraille de Chine ! Ces déchets sont alors renvoyés en Asie ou en Afrique, considérés comme des poubelles à ciel ouvert.
Derrière ces impacts environnementaux, il y a aussi des impacts humains. Le tungstène, l’étain, le tantale et l’or sont principalement importés d’Afrique, notamment de la République démocratique du Congo et de la région des Grands Lacs. Dans ces régions, tristement appelées les “minerais du sang”, de nombreux conflits armés éclatent, car des groupes se disputent le contrôle des mines afin de les exploiter et de financer ainsi leurs guerres, tuant alors de nombreux civils.
En nombre d’équipements, la taille de l’univers numérique va quintupler jusqu’en 2025. Cette expansion se traduit par 2 à 3 fois plus d’impacts environnementaux, une hausse inédite tant par son ampleur que par sa rapidité qui ne fera que renforcer les conflits déjà observés en Afrique.
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5 gestes pour diminuer votre pollution numérique
Il est temps d’agir, nous vous donnons ces 5 astuces que vous pouvez appliquer dès maintenant pour réduire votre pollution numérique :
1. Changez vos habitudes de consommation sur le matériel informatique
- Gardez vos équipements plus longtemps et consommez moins
- Utilisez des supports numériques adaptés à vos besoins. Par exemple, si vous voulez simplement surfer sur internet, privilégiez l’usage d’une tablette qui consomme 3 fois moins qu’un ordinateur
- Remplacez par des produits d’occasion dans la mesure du possible
- Faites recycler vos appareils en le donnant à des structures d’informatique solidaire
2. Surfez différemment sur le web
- Ciblez un maximum vos recherches internet pour limiter la sollicitation des serveurs
- Créez des favoris pour les sites que vous consultez régulièrement
- Évitez d’ouvrir plusieurs onglets à la fois et surtout pensez à fermer ceux que vous ne consultez pas.
- Utilisez un bloqueur publicitaire, comme Mudblock origin ou Adblock, pour limiter le fonctionnement des animations flash
3. Gérez vos e-mails
- Gardez seulement les emails nécessaires, car un message conservé dans la boîte mail fait tourner des serveurs, qui vont scanner nos emails en permanence.
- Désabonnez-vous des newsletters inutiles. Vous pouvez utiliser des outils comme CleanFox pour vous aider
- Compressez les pièces jointes
- Limitez le nombre de destinataires lors de l’envoi d’un email
4. Limitez un maximum le streaming
D’après The Shift Project, le visionnage de vidéo en ligne en 2018, sur des plateformes comme Netflix ou encore YouTube, a généré plus de 300 millions de tonnes de CO2, soit autant de GES qu’un pays comme l’Espagne. L’équivalent tout de même de 1 % des émissions mondiales.
Quand on sait que 27% de ces vidéos sont à contenu pornographique et qu’elles polluent autant que l’industrie aéronautique, ça prête à réflexion…
- Pour la musique, privilégiez les plateformes de streaming audio plutôt que YouTube
- Évitez la 4G, elle consomme 23 fois plus d’énergie que le Wi-Fi
- Bloquez la lecture automatique des vidéos sur les réseaux sociaux (Facebook, YouTube, Instagram)
- Sélectionnez ce que vous regardez et/ou baissez la résolution de la vidéo
5. Éteignez vos équipements
- Éteignez les appareils non utilisés et ne les laissez pas en veille
- Activez l’économiseur d’énergie sur vos smartphones, tablettes et ordinateurs. Utilisez des multiprises à interrupteur pour couper l’alimentation de tous vos équipements.
- Limitez le nombre de programmes ouverts en même temps
- Désactivez les fonctions tels que le GPS, le Wi-Fi et le Bluetooth sur vos appareils numériques quand vous ne vous en servez pas. Eteignez votre box quand vous ne l’utilisez pas.
Ces gestes simples, s’ils sont appliqués par tous, changent la donne. Comme l’illustre si bien la légende amérindienne du colibri :
Un jour, il y eut un immense incendie de forêt. Tous les animaux terrifiés, atterrés, observaient impuissants le désastre. Seul le petit colibri s’activait, allant chercher quelques gouttes avec son bec pour les jeter sur le feu. Après un moment, le tatou, agacé par cette agitation dérisoire, lui dit : « Colibri ! Tu n’es pas fou ? Ce n’est pas avec ces gouttes d’eau que tu vas éteindre le feu ! »
Et le colibri lui répondit :« Je le sais, mais je fais ma part. »
Bel Article, je me sens pousser des ailes, c’est peut être le syndrome du colibri qui fait son effet 😉
Et même du côté des datacenters, il y a de belles avancées en faveur de l’environnement. Tresorio en France fait des mini data centers écologiques qui récupèrent la chaleur générée par les serveurs informatiques (par nos activités en ligne) pour chauffer des bâtiments.