Qualifié par beaucoup comme le mal du siècle, le stress chronique peut avoir d’importantes répercussions mentales et physiques comme la dépression, la nervosité, des troubles du sommeil ou encore la baisse des défenses immunitaires. Pour faciliter sa détection, les chercheurs tentent de mettre au point des solutions afin de le mesurer, et donc de le prévenir.
Notre société moderne dictée par le rendement et l’optimisation engendre une multiplication des sources de stress et favorise les situations de stress chronique. Premières responsables : les conditions de travail. Début 2014, on comptait plus de 3 millions d’actifs en risque élevé de burn-out selon le cabinet de prévention des risques psychosociaux Technologia. Pourtant, le stress chronique peut avoir des répercussions très importantes sur la santé, et doit être pris au sérieux.
Pour prévenir et prendre en charge le stress chronique, chercheurs et entreprises tentent de mettre au point des technologies permettant d’évaluer le niveau de stress. Certaines d’entre elles équipent déjà quelques modèles de montres connectées, mais d’autres innovations pourraient permettre d’élaborer un indicateur beaucoup plus précis grâce à la mesure du taux de cortisol.
Le stress, c’est quoi au juste ?
Stress : État réactionnel de l’organisme soumis à une agression brusque.
Dictionnaire Larousse
Le stress est une réaction d’adaptation normale du corps, enclenchée par le Système Nerveux Autonome (SNA pour les intimes) pour faire face à un danger. En temps normal, le SNA, aussi appelé système neurovégétatif, régule toutes les fonctions inconscientes de notre corps comme la digestion, la circulation sanguine, la respiration, etc. Pour y parvenir, il active tour à tour deux systèmes nerveux qui ont des fonctions bien distinctes :
- Le système nerveux parasympathique entraîne le ralentissement général de l’organisme. Ainsi, il privilégie la digestion et le repos du corps et favorise ainsi le bien-être en général.
- Le système nerveux sympathique entraîne une accélération de l’organisme avec par exemple un ralentissement de la digestion et une augmentation du rythme cardiaque afin d’apporter plus d’oxygène aux muscles du corps.
Ainsi, si en faisant une sieste au pied d’un arbre, vous vous retrouviez nez à nez avec un ours, votre niveau de stress augmenterait d’un coup (sauf si vous avez l’habitude de faire face à des ours), signe que votre SNA aurait activé le mode sympathique. En l’espace d’un instant, votre corps sera ainsi au maximum de ses capacités physiques et intellectuelles pour faire face à cette situation de survie.
Comment fonctionne le corps en cas de stress ?
L’activation du système sympathique entraîne la libération de certaines hormones dans le corps, et principalement :
- La noradrénaline (précurseur de l’adrénaline). Cette hormone sécrétée par les glandes surrénales augmente la tension artérielle mais aussi la fréquence cardiaque,
- Le cortisol ou « hormone du stress ». Également sécrété par les glandes surrénales, le cortisol contrôle notamment le métabolisme des protéines, des lipides et des glucides. C’est principalement lui qui permet au corps de faire face à une situation de stress. Il peut par exemple entraîner la hausse de la glycémie, c’est-à-dire du taux de glucose dans le sang pour apporter plus d’énergie aux muscles et au cerveau.
En temps normal, les glandes surrénales fonctionnent de telle sorte que le taux de cortisol est le plus élevé entre 7 heures et 9 heures du matin. Ce taux élevé de cortisol permet au corps de se préparer à une journée d’activité en augmentant les taux sanguins de protéines, de lipides, de glucides et de sels minéraux. Au fil de la journée, le taux de cortisol baisse et prépare progressivement le corps à se mettre en phase de repos pendant la nuit. Ce phénomène cyclique s’appelle la chronobiologie.
Sur ce graphique, on voit que le taux de cortisol est à son maximum vers 8 heures, puis a tendance à diminuer tout au long de la journée. Les pics apparaissant sur la courbe grise témoignent de moments de stress au fil de la journée.
Stress normal et stress chronique
Lorsqu’une personne est en situation de stress aigu, son taux de cortisol augmente brusquement pour redescendre une fois le danger écarté. Le stress est alors bénéfique puisqu’il permet à la personne de faire face à une situation de la meilleure manière possible.
En revanche, en cas de stress chronique, les glandes surrénales sont trop sollicitées. Cela peut conduire à un dérèglement du corps et générer des troubles du sommeil, de la nervosité, un surmenage cardiaque, etc. Les symptômes sont nombreux et peuvent altérer une grande partie du fonctionnement du corps.
Au bout d’un certain temps, les glandes surrénales peuvent finir par s’épuiser et arrêter de produire du cortisol. C’est ce qui se passe en cas de burn-out.
Évaluer le niveau de stress, un enjeu essentiel pour le prendre en charge :
Les situations de stress aigu et de courte durée sont faciles à détecter. On a les mains moites, le cœur qui bat plus vite et plus fort, ou même les jambes en coton.
En revanche, l’état de stress chronique est beaucoup plus pernicieux et difficile à détecter. C’est pour cette raison qu’avoir des outils de mesure du stress à la fois fiables et précis permettraient de prévenir le stress chronique en adaptant, le cas échéant, notre rythme de vie tout en étant plus à l’écoute de notre corps.
Les montres connectées, un outil imparfait pour mesurer le stress
Les montres connectées, devenues au fil des années de véritables assistants pour le bien-être et la santé, sont aujourd’hui le meilleur moyen d’évaluer le stress en continu. Des fabricants comme Fitbit ou Garmin proposent d’ores-et-déjà des fonctionnalités permettant la mesure du stress grâce à des capteurs.
Garmin et Fitbit analysent principalement l’évolution de la fréquence cardiaque, mais aussi de la variabilité de celle-ci au cours du temps. Fitbit a également mis au point un capteur AED dont l’évaluation repose sur l’activité électrique à la surface de la peau. Celle-ci a, en effet, tendance à varier lorsque le système nerveux sympathique se met en action.
Ces méthodes apportent une idée globale du niveau de stress. Elles manquent cependant de précision et de fiabilité. Par exemple, l’activité électrodermale mesurée par Fitbit peut être influencée par d’autres facteurs que le stress comme le bruit ou les changements de température.
Chez Apple, il n’y a pas d’application de mesure du stress dédiée. En revanche, certaines applications tierces prennent en compte, comme pour Garmin, la fréquence cardiaque et sa viabilité pour donner en valeur approximative.
Outre la mesure du niveau de stress, certaines montres connectées proposent des aides pour gérer ce stress sous forme d’exercices de méditation, l’application de suivi du sommeil ou de l’activité, ou encore de la nutrition. Tous ces facteurs sont en effet essentiels pour faire baisser le niveau de stress.
Le taux de cortisol, la clé pour une mesure précise et fiable
Pour obtenir une mesure précise et continue du niveau de stress, il faudra vraisemblablement passer par la mesure du taux de cortisol dans le sang. Cet indicateur s’avère en effet être le moyen le plus fiable de déterminer le niveau de stress.
À l’heure actuelle, le taux de cortisol peut être analysé en laboratoire par le biais d’une prise de sang. Cette évaluation ponctuelle ne traduit cependant pas l’évolution du taux de cortisol dans la journée, et manque donc de pertinence pour déterminer le niveau de stress. Il est également possible de réaliser plusieurs tests salivaires dans une journée pour avoir une idée de cette évolution. Cette solution est néanmoins particulièrement contraignante.
La prochaine étape consiste donc à pouvoir réaliser cette mesure en continu. Pour cela, des chercheurs de l’université Skoltech travaillent sur un capteur qui, au contact du flux sanguin, serait capable d’évaluer par fluorescence ce niveau de cortisol dans le sang avec un niveau de précision de l’ordre de 0,02 microgrammes / millilitres. Les chercheurs devraient bientôt réaliser le début des tests in vivo. À terme, ce capteur pourrait être placé sous la peau, un peu à la manière des capteurs qui existent pour mesurer la glycémie en temps réel.
Mieux encore, l’Institut Fédéral de Lausanne, en Suisse, travaille sur un capteur non invasif qui se baserait sur la concentration de cortisol dans la sueur. Il pourrait ainsi être positionné au dos d’un bracelet ou d’une montre connectée. Prometteur, ce projet n’en est pour le moment qu’au stade de l’étude.