Au carrefour de la cybernétique et de l’ingénierie, la robotique est un secteur interdisciplinaire dédié à la conception, la construction et l’utilisation de robots mécaniques ou de machines automatiques programmés afin d’effectuer des tâches déterminées. On vous dit tout sur le monde de la robotique, où réalité et science-fiction ne font plus qu’un
Artefacts mythiques, fantasmés, moqués ou craints, les robots font partie depuis quelques années de notre quotidien. Conçus pour fonctionner dans un environnement façonné, contrôlé et imaginé par l’homme, ils sont aujourd’hui bien plus que de simples machines imitant le comportement humain, mais sont les nouveaux acteurs d’une transformation technique, sociale et culturelle. Alors en quoi consiste la robotique ? Quels champs recouvre-t-elle ? Comment s’est-elle fait une place dans notre quotidien ? Dans ce dossier, nous vous expliquons la robotique, son développement ainsi que les enjeux qu’elle opère dans notre société à travers trois aspects fondamentaux : le travail, la santé et nos affects .
La robotique, c’est l’ensemble des techniques qui permettent la conception et la réalisation de robots ou de machines automatiques et qui effectuent, grâce à un système de commande, une tâche pour laquelle ils ont été conçus. Ce terme est apparu pour la première fois dans une pièce de théâtre de science-fiction écrite par Karel Čapek : R. U. R. (Rossum’s Universal Robots) (Capek, 1920). Etymologiquement, le mot a été créé à partir du mot tchèque « robota » qui signifie « travail, corvée », rob signifiant « esclave ». La pièce raconte la révolte de machines biologiques destinées au travail corvéable se révoltant et remplaçant l’humanité.
Comment définir la robotique ?
Les robots sont donc le produit de la robotique. Ils ont été conçus initialement pour assister les humains ou encore gérer des tâches monotones, contraignantes ou dangereuses.
Aujourd’hui avec les progrès constants dans le secteur de la robotique, l’usage des robots s’est étendu. Il existe plusieurs grandes familles de robots qui opèrent dans différentes situations et selon divers protocoles, parmi lesquels nous avons :
- la robotique industrielle,
- la robotique de transport,
- la robotique domestique,
- la robotique médicale,
- la robotique sociale,
- la robotique militaire,
- la robotique scientifique,
- la robotique éducative (pour faciliter l’apprentissage)
- la robotique de divertissement,
- etc.
Bien sûr, en fonction de la tâche à laquelle il est soumis, le robot peut être contrôlé par un être humain ou complètement autonome. En revanche, bien qu’ils puissent avoir des attributions ou des langages de programmation différents, les robots partagent un dispositif mécatronique (alliant mécanique, électronique et informatique) commun à travers ces trois composants harware :
- un système de contrôle : c’est le cerveau du robot, un dispositif informatique (logiciel informatique ou intelligence artificielle) qui lui permet d’exécuter un programme. Il est responsable de tous les calculs, de la communication et de l’analyse de données.
- des capteurs sensoriels : c’est ce qui va permettre au robot de prendre conscience de son environnement 3D, grâce à des caméras, des sondeurs, etc.
- des actionneurs : ils constituent le système mécanique (bras, roue motrice, etc.) et permettent au robot de se déplacer et de réaliser les actions de saisie d’objets par exemple.
Histoire de la robotique : l’origine technologique des robots
La naissance du robot industriel est ancienne et découle des objets non finalisés des ingénieurs grecs et arabes de l’Antiquité. Les Grecs et les Alexandrins réutilisent les principes techniques mis au point par les Égyptiens et compliquent ces mécanismes en apportant des solutions techniques originales. C’est le cas par exemple avec la Fontaine à vin conçue par Héron d’Alexandrie, celui-ci conçoit un système de régulation du liquide qui permet de mieux maîtriser les fluides.
Bien qu’un nouveau corps de savoir se constitue autour de la mécanique, grâce à la mise au point notamment des outils comme le treuil ou encore la vis, ils ne disposent pas des matériaux que nous connaissons aujourd’hui comme l’acier ou la tôle et ne peuvent donc pas changer l’échelle de production.
Plusieurs siècles plus tard, les Arabes vont perpétuer ce savoir-faire transmis par les Grecs. Al-Jazari, un inventeur musulman du 12e siècle, jette les bases de l’ingénierie, de l’hydraulique et de la robotique modernes. Il met au point un système de bielle-manivelle qui est la première tentative de transformer un mouvement continu en un mouvement alternatif (mouvement répétitif en ligne droite, de haut en bas, comme le marteau piqueurs par exemple) et conçoit aussi des automates. Il est encore considéré aujourd’hui comme le père fondateur de la robotique.
La Renaissance ne va s’inspirer que très partiellement de ses prédécesseurs, et va préférer s’appuyer sur un tout nouveau savoir : l’horlogerie. Cela reste quand même une époque charnière puisqu’elle va permettre à Léonard de Vinci, très inspiré par Al-Jazari de concevoir de nombreux automates (des lions animés et des oiseaux).
Au XVIII e siècle Vaucanson, ingénieur et mécanicien, perfectionne la mise au point des automates, il invente un automate canard qui peut barboter dans l’eau, boire, avaler, digérer, et même… bref, tout faire comme un vrai canard.
Pour réorganiser l’industrie de la soie, il met aussi au point la machine à percer et c’est ce qui marque la transition entre la quête du mouvement perpétuel et le début de l’ordre industriel où les machines ont une finalité bien précise. C’est la raison pour laquelle, au XIXe siècle, on préfère abandonner les automates pour se concentrer sur les machines afin de répondre aux besoins techniques existants de l’époque. Le XXe siècle va suivre cette même tendance et plusieurs corps de savoirs vont apparaître simultanément.
Le développement de la robotique va se poursuivre, on se réintéresse aux automates. Les années 40 marquent alors un tournant : les lions et le canard peuvent se rhabiller, place à une nouvelle ère, celle des cyber-tortues ! William Grey Walter, l’inventeur de ces premiers robots mobiles, les a conçus pour illustrer la formidable complexité du comportement animal. Il avait une approche très biologique de la robotique et grâce à lui la cybernétique était née.
Les robots tels que nous les connaissons aujourd’hui
Les premiers robots à entrer dans notre quotidien ont été les robots ménagers : du mixeur au multicuiseur, ils permettent de gagner du temps et de l’énergie. Nos voitures aussi sont déjà équipées de systèmes automatisés destinés à aider l’homme dans sa conduite avec les régulateurs de vitesse ou encore les systèmes de guidage. Les Google cars, véhicules entièrement autonomes, sont déjà en circuit et autorisés au Nevada. Sans compter sur les aspirateurs, ces robots d’entretien autonomes qui sont devenus des produits communs.
Pourtant, alors que les pays comme la Corée et le Japon (qui concentre aujourd’hui 25 % des robots de la planète) semblent avoir une grande affinité pour les robots, c’est encore loin d’être le cas en Occident, et particulièrement en France où le robot est vu comme une menace. Alors quel impact auront les robots sur notre société ? Faut-il vraiment s’inquiéter ?
Robot, un métier d’avenir ?
Les tâches répétitives et manuelles seront les premières impactées par l’automatisation. Il y a déjà l’automatisation des caisses enregistreuses dans les grandes surfaces. Dans les 15 prochaines années ce sont 330 000 emplois d’ouvriers pourraient disparaître. 320 000 agents d’entretien pourraient aussi perdre leur emploi à cause de la robotisation des tâches ménagères. Et ce n’est qu’un le début, l’Europe est amenée à se rapprocher du modèle industriel asiatique : rappelons que la Corée du Sud compte 774 robots industriels pour 10 000 salariés et que Singapour compte 831 robots pour le même nombre d’employés.
Selon l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE), la robotisation pourrait faire disparaître environ 16 % des emplois en France d’ici 20 ans. De quoi inquiéter les français qui, dans un rapport mené par la Commission Européenne en 2014 révélait que 74% de la population estimait que les robots « volent le travail des gens ». Mais ne tirons pas la sonnette d’alarme trop vite : plusieurs études ont été menées sur le sujet et l’automatisation favorise malgré tout l’éclosion de nouveaux emplois dans le secteur manufacturier par exemple, y compris dans les emplois non qualifiés.
La robotique au secours des corps
La robotisation s’invite aussi dans nos hôpitaux ces dernières années : la chirurgie mini-invasive s’est amplement développée. Plus de 3 600 exemplaires de robots spécialisés dans la chirurgie ont été vendus dans le monde. Il s’agit d’un gros bras mécanique piloté par le chirurgien et plus précis que la main de l’homme.
Quant à la robotique humanoïde, elle révolutionne le principe de la prothèse avec le concept de l’exosquelette, qui permet d’étendre les capacités motrices de l’homme tant à des fins médicales que professionnelles. Si pour l’instant les exosquelettes ne sont disponibles que dans des hôpitaux ou des centres de rééducation, l’objectif à terme serait de les rendre accessibles aux particuliers. En attendant, les technologies d’assistance se sont largement développées ces dernières années. L’application JIB Home permet par exemple aux personnes à mobilité réduite de gérer leur environnement proche sans avoir à se déplacer.
Les robots : des êtres vivants comme les autres ?
Si pendant longtemps les recherches se sont focalisées sur les capacités langagières des robots, une autre approche sur le para-langage semble être investie ces dernières années par les acteurs de la technologie :
» Le para-langage, toutes ces formes, ces petits signes qui vont du rire au sourire, à lever ses sourcils, ou dans la voix, trouver des inflexions qui sont de l’énergie en plus, du timbre en plus, un rythme plus rapide, etc. Ce sont des signes qui sont très manipulateurs, qui vont permettre à la machine à partir de très peu d’informations de savoir si vous êtes bien, content, pas content. ” explique Laurence Devillers, chercheuse au CNRS.
Les robots apparaissent alors de plus en plus sur le marché avec un objectif social. Ils peuvent être anthropomorphiques (l’attribution de caractéristiques humaines) ou prendre la forme d’un animal. Et ce n’est pas un hasard puisque cela jouerait un rôle important dans le processus d’acceptation du robot ainsi que dans notre capacité de perception de celui-ci. Cela permettrait de moduler leur acceptation sociale : on se sent plus proche d’eux, ils nous ressemblent, on échange avec eux, ils nous comprennent, et nous avons même des émotions qui se développent à leur égard.
À tel point qu’au Japon, un nouveau phénomène est apparu. Vous vous souvenez certainement du Aibot, le gentil chien robot commercialisé par Sony dans les années 90 : il était conçu pour créer un lien émotionnel avec tous les membres de la famille en leur apportant amour et affection. Et bien au Japon des cérémonies funéraires sont rendues en hommage à ces chien-robots, un prêtre Bouddhiste est même mit à contribution pour chanter des Sûtras. Les robots, au même titre que les humains, sont pour les nippons des êtres vivants comme les autres et sont dotés d’une âme.
En France nous n’en sommes pas encore là, les robots soulèvent encore bien des questions, mais il est certain qu’avec les progrès de la robotique qui ne cessent de se développer, nous devrons un jour ou l’autre apprendre à vivre avec les robots. Après tout, ils ne sont pas si différents de nous, ils restent le reflet de notre société et se questionner sur leur nature et leur éthique c’est se questionner sur ce qu’ils disent de nous-même, de notre rapport aux autres, de nos émotions et de notre humanité.
Quelle éthique pour la robotique ?
La question éthique concernant la robotique est discutée depuis le début du siècle dernier. La notion a été popularisée par les lois de la robotique des auteurs Isaac Asimov et John W. Campbell dans la nouvelle « Cercle vicieux » publiée en 1942. Ces lois sont dictées comme suit :
- Un robot ne doit pas porter atteinte à l’être humain ou le laisser en danger
- Un robot se doit d’obéir aux ordres des humains, sauf si ces ordres entrent en contradiction avec la première loi
- Un robot doit protéger sa propre existence si celle-ci n’entre pas en contradiction avec la première ou deuxième loi
Issues de la littérature, ces lois nous placent dans le paradigme de robots « conscients », disposant d’une intelligence artificielle supérieure leur permettant de prendre des décisions par eux-mêmes. Mais l’éthique de la robotique dans le monde réel est bien différente et doit être réfléchie dans la conception même de ces robots. La chercheuse Catherine Tessier, en charge de l’intégrité scientifique et éthique de la recherche à l’ONERA (Office National d’Études et de Recherches Aérospatiales), rappelle dans quel cadre se conçoit l’éthique de la robotique :
Le chercheur et l’ingénieur doivent s’interroger en continu dès qu’ils s’emparent d’un nouveau projet : quel aspect donner au robot ? Avec quels programmes équipe-t-on ce robot ? Quelles données ces programmes utilisent-ils ? Si ce robot interagit avec l’être humain, quel sera son impact sur l’humain ? Va-t-il modifier le comportement de l’humain, voire l’humain lui-même ?
Catherine Tessier, pour Technique Ingénieur
Raja Chatila, professeur d’éthique et robotique au CNRS, rappelle dans son colloque « Humain et Numérique en Interaction » de 2019 à La Sorbonne que les robots ne « peuvent pas prendre de décisions éthiques » mais qu’ils sont tout à fait en mesure « d’effectuer des choix ou des actions qui ont des conséquences éthiques ». Il est donc primordial de programmer ces machines pour respecter les grands principes de l’éthique humaine, afin de donner à la robotique ses fondements en termes d’éthique :
- Respect des droits humains
- Amélioration du bien-être des humains
- Prévisibilité du comportement du robot dans l’accomplissement de la tâche attendue
- Transparence totale dans les raisons d’un comportement ou d’une décision d’un robot
- La responsabilité en cas de défaillance ou d’accident est toujours imputée aux humains
Et il y a fort à parier qu’à mesure où l’intelligence artificielle se développera, plus la nécessité d’une politique en termes d’éthique semble être primordiale. C’est le cas de Google qui, malgré quelques déboires, veut renforcer son département de recherche dans le domaine de l’éthique pour l’IA. L’Union européenne quant à elle veut aussi cadre juridique et éthique autour de ce secteur encore plus prégnant dans nos vies.
Combien existe-t-il de génération de robots?
Il existe 5 générations de robots. Parmi elles :
– Les robots préprogrammés
Ils sont conçus pour fonctionner dans un environnement contrôlé par l’Homme. Ils effectuent des tâches simples et monotones. Par exemple : un bras mécanique sur une chaîne de montage automobile.
– Les robots humanoïdes
Les robots humanoïdes sont des robots qui ressemblent aux humains et qui sont conçus pour recréer l’expression humaine. Par exemple : le robot Ameca présenté au CES 2022 présente un hyperréalisme facial.
– Les robots autonomes
Les robots autonomes sont peut-être les plus connus du grand public. Ils sont conçus par les roboticiens pour se déplacer, percevoir leur environnement et prendre des décisions dans le but d’accomplir une mission donnée sans intervention humaine. Par exemple : l’aspirateur robot qui utilise des capteurs pour se déplacer librement dans une maison.
– Les robots téléopérés
Les robots téléopérés sont semi-autonomes et fonctionnent grâce à un réseau sans fil pour permettre un contrôle à distance. Ils sont généralement utilisés dans des conditions extrêmes ( géographiques, météorologiques, guerres,etc.). Par exemple : les drones utilisés pour détecter des mines terrestres sur un champ de bataille.
– Les robots et l’homme augmenté
Ce sont des robots conçus pour améliorer les capacités humaines déjà existantes. Par exemple : les exosquelettes utilisés pour soulever des poids lourds.
Les chatbots sont-ils des robots ?
Le chatbot est un agent conversationnel. Plus précisément il s’agit d’un programme informatique équipé d’un logiciel qui interprète une requête opérationnelle pour son système d’information . Comme ces agents sont exclusivement virtuels, ils ne sont pas considérés comme étant des robots. Par définition un robot doit être doté d’un dispositif mécatronique polyarticulé et capable d’accomplir automatiquement certaines tâches imitant les actions des êtres vivants.
Les robots sont-ils toujours intelligents ?
Non. Cependant certains robots peuvent être dotés d´intelligence artificielle (IA). Rappelons que la plupart d’entre eux fonctionnent avec des programmes moins sophistiqués. Quant aux programmes dits intelligents il ne sont qu’une suite d’instructions à exécuter programmées par l’Homme.
Les robots veulent-ils prendre le pouvoir ?
Non. Si cette confusion existe c’est parce qu’elle est entretenue par le terme « autonome » . Mais ce n’est pas parce qu’une machine est autonome qu’elle définit ses propres objectifs (cf : aspirateur robot). Cela veut dire que le robot peut remplir un objectif sans avoir besoin de l’ intervention humaine. Objectif qui est par ailleurs fixé par le programmeur dans les algorithmes qui la font fonctionner.
Crédit(s) : © Image de Une : mech-cadet-yu